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Le Havre, le 28 Octobre 2018

 

POURQUOI LA LOI ?

 

 

Le texte de Galates 3 que l’on m’a demandé de prendre pour sujet de la prédication de ce matin, n’est pas le plus simple ni de l’épître ni de l’ensemble des lettres de l’apôtre. La difficulté réside dans le fait que ce texte est dense et que, pour en saisir tout le sens, il faut avoir bien compris ce qui précède et avoir déjà tenté une approche de ce qui suit. L’un  de ses versets aurait, a-t-on écrit, fait l’objet de plus de 400 interprétations différentes. Alors, peut-être devrais-je vous inviter à attacher vos ceintures ! Mais, rassurez-vous, je ne les citerai pas.

Paul a insisté sur le fait que la promesse faite à Abraham, puis à Isaac et Jacob 430 ans avant que la loi fut donnée par Moïse, ne saurait donc être annulée par elle. Il l’a comparée pour cela à un héritage. À l’époque, un héritage, une fois officialisé, ne pouvait en aucun cas être abrogé, ni même modifié.

Sa démonstration, Paul la concluait, au verset 18, par ces mots : Car si l’héritage dépendait de la loi, ce ne serait plus de la promesse ; or, à Abraham, c’est bien en promesse que Dieu l’a donné gratuitement. En d’autres termes, un don gratuit ne saurait dépendre de l’obéissance à des préceptes. Dès lors, la question suivante pouvait venir à l’esprit des destinataires de sa lettre : « Mais si la loi ne peut rien changer à la promesse, pourquoi a-t-elle été donnée ? Paul la pose donc lui-même avant d’introduire sa réponse :

 

19Pourquoi donc la loi ? Elle a été ajoutée à cause des transgressions jusqu’à ce que vienne la postérité à qui la promesse était faite. Elle (la loi) fut ordonnée par le moyen d’anges et dans les mains d’un médiateur. 20Or le médiateur ne peut l’être d’un seul et Dieu est un. 21Alors, la loi serait contre les promesses de Dieu ? Jamais de la vie ! S’il avait été donné une loi pouvant rendre vivant, la justice viendrait réellement de la loi. 22Mais l’Écriture a enfermé chacun dans le péché afin que, par la fidélité de Jésus-Christ, la promesse fut donnée à ceux qui croient. 23Avant la venue de la foi, nous étions enfermés ensemble sous la garde d’une loi, en vue de la foi qui devait être révélée, 24de sorte que la loi a été notre pédagogue jusqu’à Christ … afin que ce soit par la foi que nous soyons justifiés. 25Mais la foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

26Tous, vous êtes en effet fils de Dieu, par le moyen de la foi en Christ Jésus. 27Car vous tous, pour autant qu’immergés jusqu’en Christ, vous l’avez revêtu. 28 Il n’y a plus ni Juif ni Grec, plus ni esclave ni libre, plus ni homme et femme. Vous tous, en effet, vous êtes un en Christ Jésus. 29Or, si vous (êtes) du Christ, alors vous êtes la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse.

 

Je relèverai d’abord l’expression jusqu’à ce que (19).  Paul écrit que la loi n’a été donnée que jusqu’à ce que soit venue la postérité bénéficiaire de la promesse, et il le redira plus loin en résumant l’argumentation par « jusqu’en Christ » .  Au verset 19,  cela peut signifier ‘jusqu’au temps’ du Christ’ ou ‘jusqu’à la personne du Christ’. Il me semble que les deux sens doivent être retenus. En tous cas, ils sont tous deux conformes à l’ensemble de l’enseignement de Paul.

Puisque la loi est donnée jusqu’à, et seulement jusqu’à, elle est provisoire, alors que la promesse est intangible. Tellement certaine que la Bible dit 51 fois que Dieu l’a prononcée avec serment. Il l’a jurée si solennellement qu’il l’a fait de trois manières. Deux sont mentionnées dans la première mention de ce serment en Genèse 22.16 : Je le jure, par moi-même, parole de l’Eternel et la troisième dans la dernière mention de l’Ancien Testament : à main levée, chez Ezéchiel.

Paul affirme donc la supériorité de la promesse sur la loi au sujet de laquelle il mentionne la médiation des anges et de Moïse. Aussitôt après vient le verset que je vous ai dit l’un des plus difficiles… mais qui me semble être simplement la manière de résumer l’argument. Il dit : le médiateur ne peut l’être d’un seul mais Dieu est un.

Là où il y a médiation, il y a forcément au moins deux parties. Et c’est le cas de la loi qui est une alliance où  deux s’engagent : D’une part Dieu, d’autre part le peuple, puisque l’obéissance lui est réclamée. Il en est tout autrement de la promesse qui est inconditionnelle. Là, Dieu seul s’engage par le serment. Le mot hébreu ‘berith’ utilisé signifie d’ailleurs pratiquement toujours une disposition unilatérale, souveraine et inconditionnelle.

 

Le rôle de la loi la rend provisoire, mais elle n’est pas moins importante pour autant. Son objectif est clairement défini (versets 22 & 24) : afin que la promesse fut donnée … afin que nous fussions justifiés par la foi.

Comment cela ? En nous conduisant à la réclamer et à l’accueillir. Et c’est en cela que la loi peut être comparée à un pédagogue.

 

Je vous ai dit que pour bien saisir le texte, il faut avoir un idée aussi de ce qui suit ; Paul va, en effet, la sachant connue de tous, se reporter à la coutume de l’adoption. Aujourd’hui lorsque l’on adopte, c’est, le plus souvent un enfant étranger à la famille. Cela se faisait bien sûr au temps de l’apôtre ; mais, de façon étonnante, le père avait à adopter son propre enfant, le plus souvent à la fin  de l’adolescence : 16 ans chez les Romains ;  12 ou 13 chez les Juifs (bar mitsvah) et à l’entière décision du père chez les Grecs. Pour être clair, c’est quand le père en jugeait son fils digne qu’il lui reconnaissait la maturité filiale et l’appelait désormais officiellement son ‘fils’. Mais cette étape était préparée depuis la tendre enfance jusqu’à la fin de ce que nous appelons l’adolescence.

En vue de cela, après avoir été laissé environ 6 ans à une nourrice, il était confié à un esclave, souvent choisi pour sa sévérité et chargé de faire de lui, à tous égards, un préadulte présentable, et cela jusqu’à ce que le père le juge digne d’être appelé son fils.

Or, c’est cet esclave qui portait le nom de pédagogue. Et c’est lui qui était également responsable de le conduire chez le précepteur pour la formation intellectuelle.

Mais comment comprendre que la loi puisse accomplir ce rôle, c’est-à-dire conduire au Christ et à la justification à travers la foi ?

 

En tant que commandements, elle sollicite les efforts humains, elle ordonne, mais ne peut donner les moyens d’y obéir, de telle sorte qu’elle ne peut quer dévoiler les failles et condamner les coupables de désobéissance, coupables dont nous sommes tous. En nous proposant pour but l’inatteignable, elle nous fait prendre conscience de notre culpabilité aux yeux de Dieu et, par là, de notre besoin de pardon et de justification ; elle nous pousse à les chercher auprès du Christ. Sans loi, nous ne pourrions vivre cette conscience de culpabilité. Sans cette conscience, il n’y a nulle repentance possible. Et sans repentance, il ne peut y avoir ni pardon ni justification. Voilà pourquoi la loi était capitale, inéluctable. La justification ne signifie rien si elle n’est pas désirée et elle ne l’est que s’il y a conscience de condamnation.

 

Ce rôle de pédagogue était celui de la loi jusqu’au temps du Christ et de sa révélation. Ce temps étant venu et notre Seigneur ayant été crucifié, la dette était payée pour tous ceux qui s’identifient à Lui  en sa mort. Or, la mort du coupable était pour la loi, la seule possible exigence. Cette mort est le paiement inévitable du péché (Rm 6.23).

 

La grande déclaration de l’épître, c’est 2. 19 : J’ai été crucifié avec le Christ. Elle est la clé de la justification. Celui qui est mort en Lui a réglé sa dette. Ceux-là seuls qui se seront reconnus comme morts en Lui n’auront pas à subir la seconde mort ! Envoyer des fichiers

 

 

 

Saisissez-vous l’importance centrale de cette affirmation ? C’est l’objet majeur de la foi. Paul écrit : La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Que la loi désormais n’a plus rien à nous dire ? Qu’elle est devenue parfaitement inutile ? Certainement pas. Cela signifie d’abord qu’il n’y a rien de commun entre foi et œuvres. Étonnement, il semble pourtant que ce soit la vérité la plus difficile à faire comprendre et admettre. L’homme ne veut pas d’un salut gratuit. Il veut y avoir un quelconque mérite, au moins celui d’avoir cru comme si la foi était une œuvre méritoire. Même, fut-ce inconsciemment, cela me semble expliquer qu’en divers endroits, l’expression grecque est traduite « foi en Jésus-Christ » au lieu de « fidélité de Jésus-Christ ».

Dans nos versions, c’est le cas ici au verset 22 qui prolonge ce que nous avons mentionné comme l’objectif final de la loi : Mais l’Écriture a enfermé chacun dans le péché afin que, par la fidélité de Jésus-Christ, la promesse fut donnée à ceux qui croient. Certes, le mot grec pistis a le double sens de foi ou fidélité.

Ce n’est donc pas une faute de le traduire ‘foi’. Mais, il faudrait alors écrire ‘ par la foi de Jésus-Christ’ et non ‘par la foi en Jésus-Christ’ (car il s’agit d’un génitif). Et il paraît bien évident que, attribuée à Jésus-Christ, la ‘pistis’ est plus certainement la fidélité que la foi… De toute façon, ce qui nous sauve, ce qui nous justifie, foi ou fidélité, c’est la Sienne, nullement la nôtre. Le salut est grâce, pure grâce, rien que grâce ! Paul l’écrira plus tard de façon claire et insistante (Ep 2.8) : Vous avez été sauvés : la grâce ! par le moyen de la foi. Vous n’y êtes pour rien. C’est le don de Dieu.

    Dans l’original, le premier substantif de la phrase est ‘la grâce’ et le dernier est ‘le don’. Au milieu, j’aime la traduction de la Tob : vous n’y êtes pour rien.  C’est le Christ seul, son amour, sa mort, son intercession, en un mot Sa fidélité qui est notre salut.

Bien sûr, ce don, cette grâce, nous avons à nous en saisir. Mais la capacité de croire et de saisir est, elle-même, une grâce proposée aux hommes. (À tous les hommes, sans quoi Dieu ne pourrait condamner ceux qui n’ont pas cru).

 

   La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue… est-ce à dire que la loi peut être allègrement et définitivement oubliée ?

Une image m’est venue à l’esprit : La préparation à la vie professionnelle passe par un certain nombre d’études et d’apprentissages dans le cadre d’écoles ou d’ateliers. Le diplôme une fois obtenu, l’étudiant, l’apprenti, n’est plus sous la pression, la contrainte représentée par l’école, l’université, l’atelier d’apprentissage, en un mot, sa formation. Cela signifie-t-il qu’il puisse dès lors oublier ou mettre de côté ce qu’il a appris ? Il en est libéré mais pour la pratiquer !  Et, ici encore, nous pouvons revenir à Ephésiens 2 où la grâce est ensuite exprimée, verset 10, comme le fait d’avoir été recréé en Jésus-Christ … non par les œuvres mais pour des œuvres (dès lors) bonnes préparées afin que nous les pratiquions.

 

Avant de clore, écoutons une dernière interrogation. Pourquoi le dernier paragraphe, en particulier les versets 26 & 27 ? Rappelons-les : Tous, vous êtes en effet fils de Dieu, par le moyen de la foi en Christ Jésus. 27Car vous tous, pour autant qu’immergés jusqu’en Christ, vous l’avez revêtu.  Qui sont ces tous ?

La suite nous éclairerait si nous avions oublié que Paul a écrit la lettre afin de montrer que céder à la tentation de retourner à la loi, spécialement aux rites du judaïsme, serait déchoir de la grâce. La grâce est offerte à tout humain: païen autant que Juif, esclave autant qu’homme libre, femme autant qu’homme. Inutile de vouloir se faire Juif par la circoncision pour accueillir la plénitude du don de Dieu. Certes les distinctions subsistent ; la femme ne devient pas homme, l’ouvrier, patron, ni le Grec, Juif. Mais, en Jésus-Christ, ces distinctions perdent toute valeur ; tous ont pareillement accès aux innombrables richesses de la grâce.

En Christ Jésus ! De nouveau la grande clé de la lettre : immergés jusqu’en Christ Jésus. Rien à voir avec le rite du baptême d’eau qui ne pourra jamais être autre chose qu’un rite, une image en somme, mais l’immersion spirituelle dans le Christ crucifié et ressuscité. Ce sont ceux qui peuvent dire, avec Paul, j’ai été crucifié avec Christ  qui sont fils, mais tous ceux-là, sans plus de distinction de race, de sexe, de condition écologique.

 

Comment ne pas en éclater de reconnaissance et d’adoration ?