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Chamaloc, le 15 avril 2018
Pour la future génération
Dimanche dernier, j’écoutais une prédication inspirée en partie du verset 31 du psaume 22 où David affirme : On parlera à la génération future. Mon problème d’audition ne me permettait pas de tout entendre, moins encore de tout comprendre. Mais j’ai compris que le prédicateur soulignait la nécessité de comprendre la génération que l’on veut atteindre. C’est une évidence, mais qui demande bien des précisions.
En effet, ne risque-t-on pas de penser que comprendre la génération pour lui parler suppose adopter son langage ou s’y adapter ? Ce n’est certainement pas ce que voulait dire le pasteur de l’église dont je suis toujours membre. J’ai d’ailleurs entendu clairement le mot ‘différent’ qui m’a rassuré. Nous y reviendrons.
Mais pourquoi parler de générations ? Nous savons bien que Dieu traite avec les individus. Il n’est personne qu’il ne connaisse par son nom. Et ses rapports avec les humains passent par une relation spécifique avec chacun d’entre eux. La Réforme protestante a d’ailleurs fortement mis cette vérité en honneur. C’est chaque chrétien individuellement qui aura des comptes à rendre au Créateur. Et c’est de lui directement qu’il doit recevoir ses consignes. Quand Jésus parlait de la prière, il ne disait pas : « Quand tu pries, va à l’église ou au temple » ou « Demande le secours d’un ecclésiastique », mais : Entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton père qui est là dans le lieu secret…
Cela signifie-t-il que le chrétien n’a à s’occuper que de lui seul quand il s’agit de relation avec Dieu ou de vie chrétienne ? Certainement pas !
Et puisque nous sommes partis de Ps 22.31, j’ai pris la peine de regarder combien de fois apparaissait, dans la Bible, le mot ‘génération’. Dans la Bible Segond, on le trouve 100 fois dans le premier testament et 30 fois dans le second. Ce sont des chiffres ronds faciles à retenir. Mais il faut voir l’original pour être plus juste. L’hébreu dor se trouve 128 fois dans l’original (plus une fois dar de même sens) et le grec genea 41 fois ; ce qui fait aussi un chiffre rond : 170 !
Vous pensez peut-être que cela ne signifie rien. Et vous avez peut-être raison. Mais quand on lit la plupart de ces versets, surtout si on regarde le contexte (mais je n’ai eu le temps de le faire que pour une petite partie d’entre eux), on comprend que Dieu considère aussi les générations de façon globale. En d’autres termes, je pense devoir dire que, pour Dieu, il n’y a pas seulement des individus, mais aussi des générations, des assemblées, des congrégations, des nations, voire des races.
Et s’il s’y intéresse, serait-il juste que nous ne nous y intéressions pas ?
Quoique Dieu ait qualifié des générations ; tantôt d’incrédules, tantôt de méchantes, de méchantes et adultères, de perverses ou de perverses et corrompues[1], il n’en est pas une seule à laquelle il n’ait point parlé ou au sein de laquelle il n’aît placé ses témoins.
Si je dis cela, c’est parce que je suis bien conscient du fait que notre génération est à ce point corrompue que la tentation existe du découragement, celle de baisser les bras, de penser tout effort maintenant inutile, de nous replier sur nous-mêmes ou sur notre congrégation ou assemblée. Impossible de ne pas comprendre une telle réaction ! Mais serait-ce ce que Dieu veut ?
Certainement pas. S’il ne s’est pas croisé les bras au long des générations passées et s’il est vrai que c’est nous, aujourd’hui, qui sommes ses bras, ses pieds et sa bouche, alors, c’est pour nous intéresser à notre génération et à celles qui viennent.
Si nous voulons avoir une quelconque influence sur celles-là : la nôtre et les générations futures, il nous faut effectivement les connaître. En fait, il me paraît plus juste de dire « les reconnaître ». Car elles ont été depuis longtemps décrites à l’avance dans la Bible.
Je vous ai dit, dès le début, le danger qui consisterait à croire que nous ne pouvons connaître notre génération qu’en nous y plongeant, en nus y intégrant. J’ai utilisé pour cela les verbes adopter et adapter. Je constate, en effet, que bien des églises, dans le souci au départ si légitime, de se faire entendre de la génération, choisissent de parler son langage, d’adopter non seulement ses méthodes ou moyens, mais encore ses manières de penser et de voir.
On veut attirer les gens du monde vers l’église en utilisant ses moyens, ses procédés et techniques c’est-à-dire en y faisant entrer le monde. Le monde dans l’église au lieu de l’église dans le monde ! C’est ce que j’appelle l’adopter. Mais ‘adapter’ définit bien aussi les tentatives vaines que l’on voit se multiplier : tentatives d’adapter nos cultes ou nos campagnes d’évangélisation à ce que souhaite entendre et voir les hommes sans Dieu. Cela passe le plus souvent par la transformation des services en spectacle ; par le style de musique et la place prépondérante du rythme qui agite le corps et fait ignorer le message. Quand ce ne sont pas jusqu’aux jeux de spots lumineux de toutes couleurs mis en compétition avec le rythme.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais redire que tout cela part sans doute d’un désir sincère d’atteindre les gens du dehors. Mais on est tombé dans le piège de donner aux chrétiens ce qu’ils ont à fuir tout en donnant aux gens du dehors ce qu’ils ont déjà jusqu’à l’écoeurement, hors de nos murs. Nous laissons ainsi leur vraie attente sans réponse.
Qu’est-ce donc que Dieu attend de nous pour la génération présente et pour les générations futures ? Certainement ni adaptation ni adoption ! Nettement, au contraire, la démonstration de la différence.
Le texte qui vient à l’esprit en premier, à cet égard, est Romains 12.1, 2, à la fois mise en garde, exhortation et promesse.
Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable. Ne vous conformez pas (Leclerc dit : ne vous laissez pas configurer) à l’âge présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, laquelle est bonne, agréable et parfaite.
D’abord, l’exhortation : offrez vos corps… Pourquoi Paul parle-t-il spécialement de l’offrande du corps, sinon parce que c’est peut-être la dernière chose que nous sommes prêts à abandonner. Rien n’est plus loin de ce don que ces cultes où au lieu de se mettre à l’écoute de Dieu, on se cherche, on s’éclate (Je dis parfois : C’est pour cela qu’il ne reste que des morceaux). Mais si nous offrons nos corps, il est des modes que nous ne suivrons pas : les minijupes ou les vêtements collants, par exemple. Et c’est cela que signifie ‘ne pas se conformer’, ‘ne pas se laisser configurer’. C’est la mise en garde. La dernière traduction « Ne vous laissez pas configurer’ me semble la meilleure. Car c’est le monde dans lequel nous sommes plongés qui met tout en œuvre pour nous rendre semblables à ses modèles : télévision, Internet, publicité, modes,… nous façonnent en une même figure physique, extérieure (conformer) aussi bien que morale et intellectuelle. Paul dit, en somme : « Ne vous laissez pas faire ! ».
Mais qui n’a pas pris conscience de la puissance de ces moyens ; de l’abrutissement, du lavage de cerveau qu’utilise le monde pour nous infuser ses manières d’être, de penser et d’agir ? Est-on vraiment capable d’y résister ?
Là vient la promesse : Laissez-vous transformer par le renouvellement de l’intelligence. Il y a, en effet, une autre influence possible. Mais celle-là ne s’impose pas. Elle ne force rien. Elle attend juste que nous la laissiez faire. De fait, elle attend plus. Elle attend que nous le voulions, nous aussi, autant qu’il le veut. Je dis ‘il’ après avoir parlé d’influence, car il s’agit en fait de l’Esprit saint, Dieu agissant en nous. Si nous le laissons faire, alors c’est à Lui que nous apprendrons à ressembler.
Ets-ce le mois dernier ? Vous me demandiez quel est aujourd’hui notre mandat, si évangéliser jusqu’aux extrémités du monde est le mandat d’Israël. Et je vous ai répondu en citant Philippiens 2.14 & 15. Permettez-moi d’y revenir. Nous n’avons pas à changer notre génération. Ce n’est pas en notre pouvoir. Mais nous avons à y briller, à être témoins de la véritable lumière. Et c’est dans la mesure où nous sommes nous-mêmes lumière (le texte dit ‘flambeau’) que nous brillons au sein des ténèbres de notre génération.
Je vous ai dit que cette génération, la Bible nous l’a dépeinte depuis longtemps. Elle le fait en deux adjectifs dans ces deux versets de Philippiens : Faites toutes choses sans murmures ni discussions afin d’être irréprochables et sans mélange, des enfants de Dieu irrépréhensibles au sein d’une génération tortue et tordue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la Parole de vie.
La génération qui était celle de Paul et bien plus encore la nôtre est dite tortue (ou ‘tortueuse’) et tordue. Segond traduit perverse et corrompue, Darby : Tortue et perverse. Est tortu, ce qui n’est pas droit (du grec, nous avons tiré le mot ‘scoliose’), c’est ce qui est retors, tortueux, comme une voie pleine de détours. Tordue (en français, presque un synonyme), c’est ce qui a été déformé, rendu difforme, c’est-à-dire perverti, corrompu. On ne peut mieux dire. Mais qu’y pouvons-nous ? L’ecclésiaste (1.15) disait : ce qui est courbé ne peut se redresser. Heureusement, Dieu le peut. Mais notre rôle c’est d’attester la différence par notre comportement. Nous ne changerons pas la génération, mais notre vie doit montrer la possibilité d’autre chose ! Cela exclut-il l’exposé de la révélation divine, appelée ici la Parole de vie ? Non sans doute, mais la porter comme un flambeau, c’est avant tout la vivre.
Les choses paraissent bien différentes quand nous abordons ce que la Bible appelle la génération future !
Elle dépeint assez longuement celle de la fin des temps et il serait bien difficile de douter que ce soit la nôtre. Voici ce que Paul écrivait à Timothée (2 Ti 3.1-5) :
Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles 2où les humains seront égoïstes, amis de l’argent, vantards, hautains, outrageux, rebelles à leurs parents, ingrats, impies,3 insensibles, implacables, calomniateurs, intempérants, inhumains, ennemis du bien, 4traîtres, emportés, gonflés d’orgueil, amis du plaisir plus qu’amis de Dieu, 5ayant une apparence de piété mais ayant renié sa puissance.
Et, au chapitre 4, les versets 3 & 4 :
Il viendra un temps où ils ne supporteront pas un sain enseignement ; mais, démangés d’oreille, ils se donneront des docteurs selon leurs propres convoitises 4et ils détourneront l’oreille loin de la vérité et se tourneront vers les fables.
L’Esprit qui inspire Paul n’est pas tendre. Mais n’y reconnaissons-nous pas notre génération ? Je sais bien que celles qui nous ont précédés s’y sont déjà reconnues. Mais cela est certainement plus vrai que jamais.
La sachant telle, quelle conclusion tirer ? À Timothée, L’apôtre a dit : Éloigne-toi de tels gens. Puis : Mais toi, sois sobre en toutes choses, supporte les souffrances, fais une œuvre de proclamateur de la bonne nouvelle. Achève le service avec une pleine conviction.
Bien sûr, nous pourrions penser que ces conseils concernaient un Timothée et ne peuvent s’appliquer à tout le monde. Ce ne serait que partiellement vrai. Tout le monde ne peut y consacrer tout son temps, comme il le pouvait. C’est vrai, mais tout le monde peut saisir les occasions pour proclamer la bonne nouvelle… en premier lieu aux générations futures, c’est-à-dire à ses enfants et petits-enfants. Et, par là, les transformer, au moins partiellement.
De ses lois, Dieu avait dit, dès la début (Deutéronome 6.6-9) : Ces commandements que je te donne aujourd’hui, seront dans ton cœur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les lieras comme un signe sur tes mains, et ils seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes.
Le peuple d’Israël en a tiré un certain nombre de rites et de pratiques qui n’étaient probablement pas dans la pensée de Dieu. Ce que ces textes me semblent enseigner, c’est que toute notre vie, où que nous soyons ou allions, la vie que nous appelons domestique, la vie familiale, mais aussi nos œuvres manuelles (signe sur les mains) ou intellectuelles…, que tout soit constamment imprégné de l’enseignement divin, au point de s’inculquer d’elles-mêmes.
Or, les textes vont plus loin. Il est aussi question de dire, de raconter, d’enseigner. Je pense au psaume 48, versets 13 et 14 qui dit beaucoup en quelques mots :
Parcourez Sion, parcourez-en l’enceinte, comptez ses tours, observez son rempart, examinez ses palais… pour le raconter à la génération future.
J’y vois que ce que nous avons à transmettre, il nous faut d’abord avoir pris le temps de le connaître, l’avoir ‘parcouru’, analysé, compris, assimilé pour être à même de le dire.
Un autre psaume s’y étend longuement, montrant l’importance de commencer par connaître tout ce que rapporte, des œuvres de Dieu, le premier testament. C’est le psaume 78, l’un des plus longs (il compte 72 versets). Il commence par ces mots : Mon peuple, écoute mes instructions, prête l’oreille aux paroles de ma bouche.. pour poursuivre dès le verset 3 :
Ce que nous avons entendu, ce que nous savons, ce que nos pères nous ont raconté, 4nous ne le cacherons pas à leurs enfants ; nous dirons à la génération future les louanges de l’Éternel, et sa puissance, et les prodiges qu’il a opérés. 5Il a établi un témoignage en Jacob, il a mis une loi en Israël et il a ordonné à nos pères de l’enseigner à leurs enfants 6pour qu’elle fut connue de la génération future, des enfants qui naîtraient et que, devenus grands, ils en parlent à leurs enfants, 7afin qu’ils mettent en Dieu leur confiance, qu’ils n’oublient pas les œuvres de Dieu, et qu’ils observent ses commandements.
Voilà qui ne saurait être réservé à des serviteurs de Dieu à plein temps, pasteurs, anciens ou évangélistes, ni au seul peuple d’Israël, car ce que signifient les grâces étendues aux païens dépasse infiniment ce que Dieu avait accompli pour lui jusqu’au temps d’Asaph (l’auteur du psaume).
J’avais parlé d’une promesse relative. J’en reconnais une, ici aussi, dans une locution au sens aussi large qu’elle est brève : afin que. Vivre en tout les enseignements de Dieu, parler de lui et raconter tout ce qu’il a fait est capable de changer quelque chose, sans doute pas à toute la génération future, mais au moins à nos enfants et aux leurs ; Afin dit le texte, qu’ils mettent en Dieu leur confiance, qu’ils n’oublient pas, qu’ils obéissent au Seigneur, qu’ils transmettent à leur tour à leurs enfants.
Nous ne pouvons sans doute pas changer la génération perverse qui est la nôtre, mais nous avons un devoir envers les prochaines : la capacité de vivre et de parler de notre Dieu et de tout ce qui nous est révélé ; en premier lieu à ceux dont nous portons la responsabilité. Il est facile d’abandonner à d’autres ce devoir : à l’école publique qui ne manquera pas de leur enseigner la théorie de l’évolution et le relâchement des mœurs, à des moniteurs ou animateurs de camps… chrétiens (ouf !) à qui nous avons des raisons de faire confiance, bien sûr.
Mais c’est d’abord notre responsabilité !
Qu’en est-il de nous ? L’avons-nous compris et le Seigneur pourra-t-il nous dire : « C’est bien, tu as été fidèle dans les petites … » ?
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[1] Dt 1.35 ; Mtt 12.39, 45 ; 16.4 ; Lc 11.29Mc 8.38 ; Juges 2.10 ; Ac 2.40 ; Ph 2.15