ENTRER DANS LE REPOS DE DIEU
Ps 18.1-4 ; 23.1-3 ; Mt 11.28-30 ; Héb 4.9-12
Si un pasteur pouvait convaincre les membres de son église de citer le 1er verset du Ps 23 tous les matins en se levant, je crois qu’il pourrait partir en voyage pendant 6 mois sans se faire de souci. Dans ce psaume 23, tous les verbes actifs ont Dieu pour sujet. C’est lui qui agit. « Il me fait reposer ! »
- Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu
J’ai rarement rencontré des personnes qui étaient contre le repos. En même temps, il me semble rencontrer beaucoup de personnes qui se souviennent de certains repos vécus dans le passé, qui attendent un repos à venir (le soir, le week-end, les vacances, la retraite…), mais qui peinent à vivre le repos dans le présent. Cela se comprend… Je pense que tout le monde connaît au moins une personne dans ce cas !
Or, il est clair que la Bible parle ici d’un repos pour maintenant. Le texte parle au présent : « Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses oeuvres, comme Dieu s’est reposé des siennes ». Il est vrai qu’on pourrait comprendre qu’il est question du croyant au moment du trépas. Mais non, car il est écrit juste après : « Efforçons-nous donc d’entrer dans ce repos, afin que personne ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance ». C’est donc bien pour nous qui sommes vivants, et c’est pour maintenant. L’expression ‘efforçons-nous’ est parfois traduite par : ’empressons-nous’, ce qui signifie exactement : ‘Ne remettons pas cela à plus tard’ !
= Ce repos, c’est déjà celui de la conversion à Jésus-Christ, avec un abandon : l’abandon de tous les efforts pour parvenir au salut par nos propres forces. Certains, vous le savez, disent : C’est trop facile ! Ce n’est pas trop facile, car cela implique un renoncement, un brisement auquel beaucoup ne sont pas prêts. Ce brisement, tous les chrétiens l’ont vécu. La vie nouvelle commence comme cela.
= Ce repos est aussi celui de la marche chrétienne, avec un renoncement, là aussi. Le renoncement à tous les efforts pour parvenir à accomplir la volonté de Dieu par nos propres forces, nos bonnes idées, nos bons plans, nos capacités naturelles – et plus ces capacités sont grandes, plus c’est difficile ! N’est-ce pas le sens de cette dernière parole de Jésus : « Vous serez mes témoins » (Ac 1.8) = Vous verrez ce que je fais ! Vous verrez ce que je fais, et vous pourrez en être les témoins !
Ce repos équivaut-il à une forme de paresse ? Non. C’est même le contraire. Ce repos c’est la condition pour marcher, obéir, grandir, combattre et persévérer dans la foi ! Cela est dit ici : « Efforçons-nous donc d’entrer dans ce repos, afin que personne ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance ». Ils n’ont pas obéi, ils n’ont pas persévéré, ils n’ont pas combattu parce qu’ils étaient sortis du repos – c’est-à-dire de la foi. Sortir de la foi pour faire ma volonté, le temps de régler ceci ou cela, c’est si facile… S’ils étaient restés dans le repos, ils auraient obéi jusqu’au bout, ils auraient vaincu ! Ils seraient entrés dans les oeuvres préparées !
= Pour le chrétien, il y a bien un repos promis, quand il n’y aura plus ni larmes, ni deuil. « Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur ! Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs oeuvres » (Ap 14.13).
= Mais nous affirmons aussi un repos présent, rendu notamment par le verbe ‘demeurer’ (Ps 18.2-4). C’est dans ce repos-là que je puise ma capacité à marcher, à persévérer, à combattre et à vaincre. Et à souffrir si Dieu le veut, ce qui montre que ce n’est pas un repos dans la fuite, dans l’évitement de la souffrance. C’est l’image de l’arbre planté près d’un courant d’eau, « dont le feuillage ne se flétrit pas » (Ps 1er)[1].
Il en est ainsi d’une épouse normalement : si elle connaît « le repos dans la maison de son mari » (Ruth 1.9), elle y puise une énergie pratiquement inépuisable pour aimer, oeuvrer, servir. Il en est de même pour l’Eglise de Jésus-Christ : de son repos dans la foi naît son témoignage, son travail, son combat, sa persévérance ! On peut ajouter son Amour, c’est-à-dire « la bonne odeur de Christ »[2] !
Quoi qu’il puisse arriver, je dois me poser en premier cette question : Suis-je en ce moment dans ce repos ? Ou dois-je y revenir promptement ? (Cf. Ph 4.4-7).
- « Car la parole de Dieu est vivante et efficace,
plus tranchante qu’une épée à deux tranchants »
Le petit mot ‘car’ indique un lien entre le repos dont nous venons de parler et l’action de la Parole vivante, tranchante, pénétrante de la parole de Dieu. On peut dire : ce qu’opère la Parole, car il est dit qu’elle partage âme et esprit, jointures et moelle, un peu comme le couteau d’un boucher – ou le scalpel d’un chirurgien.
= Il est vrai que partager jointures et moelles peut faire peur. La moelle, c’est la vie biologique à l’intérieur des os. La Parole vivante de Dieu a donc un rapport avec cela ! Les jointures, c’est ce qui nous permet de tenir debout et de nous mouvoir. Eh bien, Dieu peut nous faire flancher et même nous arrêter dans notre élan pour nous parler et nous attirer à lui. Je dirai même : peut-il nous attirer à lui et nous donner son repos sans nous faire d’abord flancher ? (Gn 32.24-32). On peut apprendre plus en une semaine sur un lit d’hôpital qu’en 30 ans de vie normale et active…
= Cette Parole est également pénétrante jusqu’à partager âme et esprit. C’est là un point qui me paraît très important. L’âme, c’est la pensée (je pense), les sentiments (je sens), la volonté (je veux). C’est la dimension psychique (on dit parfois ‘naturelle’) de notre être. « Je sens, je pense, je veux ». Il faut souligner le ‘je’, chaque fois, car c’est là le problème : l’âme naturelle fait ce qu’elle veut, quand elle veut, comme elle veut. Notez que l’âme est capable de faire beaucoup de choses, et même de réaliser des prouesses. C’est comme cela que le monde tourne. C’est toute la force de la nature humaine. C’est toute sa limite aussi. Peu ou pas d’amour, à vrai dire. Si peu d’amour…
L’esprit, c’est la dimension spirituelle qui a été restaurée en nous à la conversion ; c’est l’accès de Dieu dans notre coeur, dans notre vie (Ro 5.5 ; 8.6). Cette dimension de Dieu, ce n’est pas seulement une idée, quelque chose d’abstrait : c’est une réalité véritable et pour celui qui la vit, cela fait une très grande différence.
Nous en avons une illustration quand Pierre répond à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Jésus peut lui dire : « Ce n’est pas de toi-même que tu dis cela ; mon Père te l’a révélé« . L’âme de Pierre (sa pensée, sa volonté) a été réceptive à ce que Dieu lui disait par son Esprit. Mais peu après, cette même âme retrouve ses réflexes naturels, alors que Jésus annonce sa mort prochaine : « Cela ne t’arrivera pas. Je te défendrai jusqu’à la mort ! » dit Pierre. C’était une bonne intention ! Mais Jésus dira : « Pierre, tu m’es en scandale ; tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes« . Ce n’était pas spirituel, c’était psychique seulement : c’était l’âme toute seule, une réaction tout humaine qui ne mène à rien ! Cela dans la même bouche, à quelques minutes d’intervalle !
Si je ressens de la colère, de la tristesse ou de la joie devant une situation, cela vient-il de mon âme ou de mon esprit ? Est-ce la même chose ? Pas du tout ! Nous comprenons combien il est important de distinguer l’âme et l’esprit. La Parole de Dieu opère cette distinction en nous quand nous la laissons agir. L’âme si facilement résiste ou s’égare ! Pas de repos pour elle !
L’âme doit-elle disparaître ? Non ! Pas plus que le corps !« Mon âme, retourne à ton repos ! » (Ps 116.7). L’âme du chrétien demeure après sa conversion. « Vous trouverez du repos pour vos âmes », dit Jésus (Mt 11.29). Mais comment mon âme est-elle disposée ? Est-elle servante ou maîtresse ? Peut-elle cesser de se diriger toute seule ? Peut-elle cesser de se confondre avec la pensée de Dieu, avec la volonté de Dieu – et dire : Que Ta volonté se fasse et pas la mienne !
Cela a-t-il un rapport avec le repos de Dieu ? Bien-sûr que oui. De nombreux Psaumes (on pourrait dire : toute la Bible) nous rapportent les tourments de l’âme qui flanche et se débat (Ps 13 ; 22.2, 21-25 ; 42.6 ; 73.16-20 ; 103.1…). Jésus lui-même a appris cela dans les choses qu’il a souffertes, pour demeurer dans le repos, puis dans l’obéissance de la foi. Quand il dit « Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi », ou un peu plus tard : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?« , son âme exprime son tourment. Jésus était pleinement homme. Puis quand il dit : « Que ta volonté soit faite et non la mienne », il laisse l’Esprit de Dieu toucher son esprit et relever son âme abattue. « Père, je remets mon esprit entre tes mains ».
Ce ‘oui’ de l’âme qui s’incline comme une servante, c’est un renoncement, une forme d’abdication. C’est mourir, en un sens. C’est précisément la dimension de la croix ! L’âme naturelle a horreur de cela et y résiste tant qu’elle peut. Pas de repos pour elle ! Tandis que le ‘oui’ de la foi est suivi par un repos. « Vivre selon notre nature humaine, c’est la mort, dit Paul, tandis que vivre selon l’esprit, c’est la vie et la paix » (Ro 8.6). Peut-on encore et toujours confondre les deux ? Il ne le faut plus !
Comment cela commence-t-il, pour moi ? A genoux, dans la chambre. Ch.Nicolas
Annexes
- La notion de Parole de Dieu
Il y a aujourd’hui divers flottements sur l’expression : « la parole de Dieu ». Il n’est pas rare, en effet, d’entendre dire que c’est Jésus-Christ qui est la Parole vivante de Dieu. Le début de l’Evangile de Jean le dit, en effet. On peut donc considérer que ce verset de l’épître aux Hébreux parle de Jésus-Christ – dont l’action vivante et efficace se prolonge aujourd’hui par celle du Saint-Esprit. Sept fois nous trouvons cet avertissement au début de l’Apocalypse : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises ».
La difficulté surgit quand on ajoute que la Bible n’est donc pas la Parole de Dieu : elle serait seulement un témoignage rendu à la Parole de Dieu. Ou bien : elle contiendrait la Parole de Dieu – ce qui revient à dire qu’il nous revient, à nous, de rechercher la Parole de Dieu dans le texte biblique, comme un chercheur cherche des paillettes d’or dans un tas de terre…
Cette manière de voir paraît spirituelle, mais elle n’est pas sans danger. Or, on peut la trouver aujourd’hui même dans les églises évangéliques. S’il me revient à moi de faire le tri, dans ce qui est écrit, entre ce qui est Parole de Dieu et ce qui est simple parole humaine, à partir de quoi vais-je faire ce tri ? sur la base de quels critères ? Le risque est grand de garder ce qui me convient, ce qui me parle, et de laisser le reste…
La conséquence de cela, c’est que les rôles sont inversés : ce n’est plus la Parole de Dieu qui juge (examine) et sépare en moi ce qui doit être séparé ; c’est moi qui suis juge et qui sépare dans la Parole de Dieu ce qui (me) convient et ce qui ne (me) convient pas. En un sens, cela me met à l’abri ! Mais le fruit peut-il être le même ?
Nous ne confondons pas la Parole éternelle de Dieu, celle par qui le monde a été créé, celle qui s’est incarnée en Jésus-Christ, et la Parole écrite de Dieu, le testament de son alliance. Mais nous ne les séparons pas non plus, car Dieu se révèle et agit par l’une et par l’autre. Quand Jésus dit : Il est écrit ! (Mt 4.4), il dit : Dieu a dit ! et le diable recule !
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- L’âme et l’esprit
L’esprit se dit pneuma en grec. Ce mot peut désigner l’Esprit de Dieu ou l’esprit de l’homme. C’est la dimension spirituelle, en lien avec la présence et la vie de Dieu.
L’âme se dit psyché. C’est la dimension psychique, naturelle, tout humaine. Il est significatif que le mot psychikos soit traduit par ‘naturel’ (1 Co 2.14) ou par ‘charnel’ ou ‘animal’ (Jc 3.15). Dans ce dernier verset, le mot psychikos (selon l’âme) est associé aux mots ‘terrestre’ et ‘diabolique’.
L’âme livrée à elle-même, l’âme toute seule a toutes les facultés mais aussi toutes les limites de la nature humaine corrompue. Le repos de l’âme, c’est d’être accordée à l’esprit régénéré, lui-même éclairé, nourri et conduit par l’Esprit de Dieu (Ro 5.5 ; 8.16…).
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L’espérance
Jean 10.27-28 ; 1 Corinthiens 13.13
- Les trois !
Un jour, il n’y aura plus que l’amour. Aujourd’hui, il doit y avoir les trois. Aujourd’hui, les trois sont inséparables. Un seul et même Esprit communique l’Amour, la Foi et l’Espérance au croyant, de telle sorte qu’on ne peut avoir l’un sans avoir les deux autres.
Dire cela peut surprendre. Beaucoup, par exemple, (même ici peut-être) pensent qu’il n’y a pas besoin de la foi pour aimer. Tout le monde n’a pas la foi, mais tout le monde aime, au moins un peu… « Je ne fais de mal à personne ! Et même je rends service chaque fois que je peux ». Il y a des personnes qui, sans la foi, peuvent être douces, attentionnées, patientes, généreuses, et qui font du bien autour d’elles, peut-être plus que certains chrétiens. Mais dans ce même chapitre, Paul dit que l’on peut donner tous ses biens pour la nourriture des pauvres sans amour ! Il parle donc d’autre chose que de gentillesse ou de générosité…
En fait, il y a très probablement beaucoup moins d’amour sur cette terre que ce qu’il nous semble. Nous nous contentons des apparences. La Bible dit que l’amour n’habite pas naturellement dans le coeur des hommes. Le seul endroit où réside l’amour, c’est le coeur de Dieu. Il faut donc le recevoir. Mais qui le reçoit ? Profiter de la patience de Dieu, de ses bienfaits, de sa prodigalité, c’est une chose ; mais recevoir son Amour… Cela ne se fait que par la foi : « Nous avons connu l’Amour en ce qu’il a donné son Fils ». Cela signifie que sans la foi en Jésus-Christ livré pour nous, l’Amour est inconnu. Or, la foi suppose un brisement dans le coeur. Pas de brisement, pas d’amour. Le recevoir suppose une action du Saint-Esprit, sur la base de l’oeuvre de Jésus (Ro 5.1, 5b). Ainsi, la foi et l’amour sont absolument liés[3].
- Et l’espérance ?
Beaucoup pensent pouvoir vivre l’amour sans la foi. Beaucoup disent avoir la foi, mais sans l’Espérance. L’espérance, cela fait un peu secte… Les sociologues décrivent la société d’aujourd’hui comme une société sans espérance. Mais est-ce si nouveau ?
L’espérance est tellement liée à la foi que c’est pratiquement une seule et même chose (Cf. Hé 11.1). Il y a une différence, cependant. Je vais l’illustrer avec les paroles de Jésus que l’on trouve au chapitre 10 de Jean. C’est le texte où Jésus parle en tant que bon Berger.
Son Amour est clairement dévoilé quand il dit : « Le bon Berger donne sa vie pour ses brebis » (v. 11). Nous ne devrions jamais nous habituer à de telles paroles. Noter que « donner sa vie » est au présent. Quand Jésus dit qu’il donne sa vie, il ne dit pas seulement qu’il meurt – comme un soldat qui donne sa vie pour son pays. Il dit aussi qu’il donne sa Vie, c’est-à-dire que sa Vie nous est donnée, nous est communiquée, transmise – comme la vie du cep est donnée au sarment, comme la vie de la mère est donnée à l’enfant par le lait qu’il tète (1 Th 2.7-8). Dans cette vie-là, l’Amour de Dieu est compris, « versé dans nos coeur par le Saint-Esprit » (Ro 5.5)[4]. C’est son amour en nous, puis entre nous ! « A cela, tous verront… » (Jn 13.35).
La foi est dévoilée quand il dit : « Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent » (v. 27). C’est au présent. Ecouter signifie recevoir dans le coeur et suivre. Eve n’a pas seulement entendu le Tentateur, mais elle l’a écouté… Abraham a cru et il est parti. La foi, c’est vivre maintenant ce qu’il y a à recevoir et à vivre avec Dieu maintenant[5]. Si aujourd’hui tu regardes à Jésus, si aujourd’hui tu écoutes sa voix, si aujourd’hui tu y réponds, si tu obéis à ce qu’il te demande, c’est cela la foi.
L’espérance, c’est la certitude des choses promises, comme si on les avait déjà, alors qu’on ne les a pas encore. On le voit dans ces paroles de Jésus : « Je leur donne la vie éternelle (c’est au présent) ; elles ne périront jamais et nul ne les ravira de ma main (c’est au futur)« (Jn 10.28). Cela, c’est l’espérance, dont la Bible dit qu’elle est « une ancre de l’âme solide et sûre » (Hé 6.19). Une ancre qui attache notre vie à l’éternité ! Je pense aussi à ce que dit Jésus un peu après (14.2) : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père ; je vais vous préparer une place, afin que là où je suis, vous soyez aussi maintenant ». L’espérance relie le présent du chrétien à son avenir avec Dieu. C’est déjà vrai, mais ce n’est pas encore accompli.
Deux autres exemples dans la bouche de Jésus : « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux » (Lc 10.20). « Vous donc aussi, vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous reverrai, et votre coeur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie » (Jn 16:22).
C’est cela l’espérance. C’est l’espérance qui fait dire à Paul : « J’ai le désir de m’en aller pour être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur ». Mais c’est la foi – et l’amour – qui lui font dire : « Mais pour vous, il est préférable que je reste ».
- L’espérance conditionne la marche
La Bible parle des hommes qui sont « sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Quelle tristesse ! « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons car demain nous mourrons » (1 Co 15.32). C’est la philosophie de beaucoup. Mais je me demande s’il n’y a pas plus de chrétiens qu’on le pense qui sont également sans réelle espérance. Ils disent qu’ils ont la foi… mais si peu d’espérance. Or l’espérance – qui concerne l’avenir – projette sur le présent une lumière incomparable. Cette lumière manque beaucoup aujourd’hui. Cela explique beaucoup de choses.
Je donne un exemple. Quand Dieu dit à Abram : « Quitte ton pays, la maison de ton père, et va dans le pays que je te montrerai » (Gn 12.1ss), il fait appel à sa foi. « C’est par la foi qu’Abram partit, sans savoir où il allait », dit l’épître aux Hébreux. Ce n’était pas rien !!! Mais Dieu lui dit aussi : « Ta postérité sera comme les étoiles du ciel, comme le sable qui est au bord de la mer » (Gn 22.17). Là, c’est l’espérance qui est concernée. Abraham est mort sans voir sa postérité ; mais ces choses ont été devant lui comme un horizon certain, plus certain même que les choses présentes et visibles ! Abraham quitta tout et partit « car il attendait la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (Hé 11.10). C’est cela, l’espérance[6]. Là, on voit que l’espérance nourrit et fortifie la foi pour la marche. Quand l’espérance manque, la foi flanche. La vie d’Abraham le montre.
Cela est dit également de Jésus : « En vue de la joie qui lui était réservée, il a souffert la croix (la séparation d’avec Dieu) et méprisé la honte » (Hé 12.2). Ce verset résume sa vie et son oeuvre. Jésus est décrit comme un homme de douleur : il a lutté avec cris et larmes pour apprendre l’obéissance jusqu’à la mort infâme de la croix – mais il dit à ses disciples : « Vous aurez en vous ma joie et ma joie est parfaite » (Jn 15.11 ; 17.13). D’où donc pouvait bien venir cette joie ? De l’espérance. « En vue de la joie qui lui était réservée, il a souffert la croix ». L’espérance a fortifié la foi, la foi a permis l’obéissance. C’est ainsi que Jésus est allé jusqu’au bout de sa mission.
Peut-il en être autrement pour nous, frères et soeurs ?
Ainsi l’espérance, qui est en lien avec les choses à venir, a bien un effet immédiat : elle affecte le présent, elle conditionne la marche, elle éclaire le chemin. La vie d’un chrétien, aujourd’hui, est autant conditionnée par son espérance que par sa foi.
Et l’amour ? En réalité, c’est l’espérance qui permet au chrétien de donner sa vie dès maintenant, ce qui est la définition même de l’amour ! A commencer dans le couple (pour ceux et celles qui sont mariés). L’assurance du bonheur éternel, c’est aussi ce qui permet de souffrir. Et même de mourir, si Dieu le demande[7]. Paul, dans une de ses lettres, parle des « légères afflictions du moment présent » (2 Co 4.17). Etaient-elles vraiment légères ? Pas du tout. Mais elles étaient légères comparées aux choses réservées, comparées au trésor incorruptible.
Qui d’entre nous, grâce à l’espérance qu’il a dans son coeur, est prêt à souffrir à cause de Jésus-Christ ?
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Je voudrais citer, avant de conclure, cette parole de l’apôtre Paul : « Frères, ne pleurez pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4.13). Paul ne dit pas aux chrétiens de ne pas pleurer (comme s’il n’y avait que ceux qui n’ont pas d’espérance qui devaient pleurer). Il dit aux chrétiens : Ne pleurez pas comme eux. Pleurez aussi, mais pas comme eux !
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu’être chrétien ne fait pas de nous des anges : on ne devient pas immortels, on ne devient pas invincibles, on ne devient pas infaillibles, on ne devient pas insensibles… On pourrait dire : on est comme tout le monde ! C’est vrai. A l’hôpital, il y a aussi des chrétiens hospitalisés…
Et en même temps, l’espérance change déjà tout cela : toutes ces choses que nous allons vivre (travailler, économiser, acheter, vendre, être malade, se soigner, vivre des deuils, rire, pleurer, se marier, avoir des enfants, et même mourir), nous allons les vivre comme tout le monde, mais pas comme tout le monde. Vous comprenez ? Nous allons vivre les mêmes choses, mais différemment. A cause de quoi ? A cause de l’espérance.
C’est comme deux personnes qui voyagent dans un train, ou qui marchent, sous la pluie ou sous le soleil, ou dans une forêt inextricable… Une d’elles ne sait pas où elle va ; l’autre le sait et c’est un endroit incomparablement magnifique. Croyez-vous que ces deux personnes vont voyager de la même manière ? En un sens oui. Mais en réalité, non. Pas du tout ! Une va probablement se décourager ; l’autre pas, même si les circonstances présentes sont difficiles pour l’une comme pour l’autre.
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Que manque-t-il dans ce monde ? La foi ? l’espérance ? ou l’amour ? Les trois. Beaucoup voudraient avoir l’amour, mais sans la foi. Ou la foi (ça aide, dit-on), mais sans réelle espérance. C’est impossible. A la fin des temps, ces choses seront devenues très rares. Elles le sont déjà maintenant.
Ces trois réalités manquent évidemment chez ceux qui ne les ont pas reçues ! Ceux-là devraient se dépêcher de venir à Jésus et de lui dire : Seigneur Jésus, je ne voudrais pas vivre un jour de plus sans la foi, sans espérance et sans ton amour.
Mais cela manque aussi chez ceux qui ont déjà reçu ces choses. Nous les avons déjà, mais si peu ! Un peu, est-ce assez ? Où est la différence dans la manière de vivre ? Où est le témoignage que peuvent voir ceux du dehors ? Où est la puissance transformatrice de l’Evangile ?
Il manque d’amour qui démontre aux yeux de tous que Jésus est vivant au milieu de nous. Il manque de foi, la foi qui permet d’entendre ce que Dieu veut nous dire aujourd’hui, et de le faire ! Il manque l’espérance qui éclaire le visage de la lumière et de la joie qui viennent de Dieu seul.
Qui aimerait que ces grâces remplissent son coeur, jusqu’à déborder ?
Charles Nicolas
Interroge les temps anciens
Dt 4.32-40 ; Ps 119.89-91 ; Jn 17.6-10 ; 1 Co 10.1-6, 11-12
Mon message comprend trois parties – et dans chacune d’elles je pointerai une dérive, une sorte d’hérésie que nous devons éviter.
- Interroge les temps anciens
Deutéronome chapitre 4, pour nous ce sont des temps anciens ! Mais déjà Moïse dit : Interroge les temps anciens ! Cela signifie-t-il que c’était mieux avant ? Je ne crois pas. L’intention est bel et bien d’avancer. Notre passage se termine ainsi : « afin que tu sois heureux, toi et tes enfants après toi, et que tu prolonges tes jours ».
Pourquoi Moïse dit-il : Interroge les temps anciens, alors que ce qu’ils sont en train de vivre à ce moment même est extrêmement important et dense (Cf. Dt 5) ? C’est parce que les leçons apprises dans le passé – qu’elles aient été heureuses ou difficiles – renvoient à des principes qui sont des principes permanents qu’il faut bien se garder d’oublier.
En disant cela, nous nous démarquons de la pensée progressiste très répandue aujourd’hui, qui veut que les principes de vie évoluent avec le temps, avec les circonstances, avec les progrès de la connaissance, les progrès techniques, etc.
La Bible ne nie pas qu’il puisse y avoir un progrès par le travail des hommes, et en un sens, cela aussi vient de Dieu. Mais les progrès, aussi importants soient-ils, peuvent-ils changer les principes fondateurs inscrits dès la Création, les réalités spirituelles, morales et même physiques ? Non ; ces principes ont un caractère permanent. Ils sont non seulement inscrits dans le coeur de Dieu (Ps 119.89), mais ils sont également observables dans le cours des événements pour qui veut bien les voir (119.90-91 ; Ps 19.2 ; Ro 1.20). Les observer et les retenir, c’est une grande partie de ce que la Bible appelle l’intelligence.
Distinguer ce qui peut évoluer et ce qui ne peut pas évoluer, ce qui est culturel ou sentimental et ce qui est spirituel…, cela est vraiment capital pour nous diriger dans la vie. Cf. la question du mariage, par exemple. Est-ce que nos enfants peuvent acquérir ce réflexe ? Attention, ils entendront que tout est en évolution, qu’il n’y a pas de vérité universelle, que le religieux est cantonné à la sphère privée…
« Frères, je ne veux pas que vous ignoriez…, dit Paul. Ces choses leur sont arrivées pour nous servir d’exemple, et elles ont été écrites pour notre instruction » (1 Co 10.1, 11). Est-ce pour rester figés ? Non ! C’est pour éviter d’agir comme les insensés, de tomber dans les pièges, de se retrouver confus. « Afin que tu sois heureux, toi et tes enfants, et que tu prolonges tes jours » (…) « Combien j’aime ta loi ! Elle est tout le jour l’objet de ma méditation. Tes commandements me rendent plus sages que mes ennemis, car je les ai toujours avec moi » (Ps 119.97-98).
- Des épreuves, des signes, des miracles, des combats
La seconde mention que je retiens se trouve au verset 34 où sont mentionnés les épreuves, les signes, les miracles, les combats. Et là, ce n’est pas contre le progressisme que nous sommes mis en garde, mais contre ce que j’appelle « l’évangile des mots positifs ».
Sous le prétexte que le mot ‘évangile’ signifie ‘bonne nouvelle’, la tentation pour beaucoup aujourd’hui est de considérer comme fidèle à l’Evangile tout ce qui résonne positivement aux oreilles. L’acceptation de l’autre, l’amour inconditionnel, le vivre ensemble, l’ouverture à la différence, le non-jugement… Ce sont certes des choses positives. Mais est-ce que c’est l’Evangile ? Certains pensent que c’est comme cela qu’on va attirer les gens du dehors, les jeunes en particulier… Est-ce sérieux ?
Attention : mon intention n’est pas de défendre la pensée inverse, qui voudrait que l’on soit en opposition systématique à tout ce qui se fait : plus on serait dans l’incantation dramatique plus on serait proche de la vérité. Ce n’est pas juste non plus.
Voilà pourquoi ce verset a retenu mon attention : Dieu est venu nous « prendre à lui (!) du milieu des nations par des épreuves, des signes, des miracles, des combats« . Ce n’est ni une surenchère de termes dramatiques (avec la fascination morbide que cela peut susciter – on pense à la mouvance terroriste, bien-sûr) ; ni une surenchère des termes positifs, comme si le fait de prononcer des formules positives suffisait pour une bonne communication, sur le mode de la séduction[8]…
Dans cette énumération on reconnaît le réalisme de la Bible : elle dit la vérité, elle dit la réalité[9]. Quand Dieu se révèle, il nous brise et il nous relève. Les deux ! Il nous dépouille et il nous enrichit. Les deux ! Il nous fait trembler et il nous console…[10] La bonté de Dieu remplit la terre ; mais Dieu est aussi grand et redoutable. Jésus ne mettra pas dehors celui qui vient à lui ; mais il nous appelle à nous repentir si nous voulons avoir part à la vie nouvelle.
Nous pouvons par exemple nous demander : comment prions-nous ? Nous avons raison de demander à Dieu de nous garder, de nous bénir et de nous rendre heureux. Mais est-ce là toute notre prière ? Et cela peut-il se faire sans épreuves, sans émondage (Jn 15.2) ? Le bonheur est-il le but principal du chrétien ? C’est plutôt un fruit qui accompagne d’autres fruits comme la fidélité et la persévérance.
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que nous n’excluons rien : ni les miracles ni les combats, ni la joie ni les larmes, ni de vivre pour Christ ni de mourir pour Lui, s’il le fallait. Dietrich Bonhoeffer a écrit : « Lorsque Dieu appelle un homme, il l’invite à venir mourir ». « Ne priez pas pour que j’aille mieux, m’a dit un jour un chrétien âgé, priez pour que je sois fidèle ».
- Il a aimé tes pères et a choisi leur postérité après eux
Certains, vous le savez, sont tentés de voir le Dieu de l’A.T. comme un Dieu saint et redoutable, tandis que celui du N.T. serait devenu tolérant et bon. Ce n’est pas très sérieux, et j’espère que nous avons tous dépassé cette méchante caricature.
« Il a aimé tes pères et a choisi leur postérité après eux », dit Moïse à Israël (Dt 4.37). Quelle information incroyable ! C’est une parole que nous pouvons entendre, nous aussi en tant que chrétiens. Nous avons des pères en la foi (beaucoup de pères et de mères en la foi) qui nous ont précédés, qui ont été aimés de Dieu. Remarquez qu’il n’est pas dit qu’ils ont aimé Dieu, mais qu’ils ont été aimés de Dieu.
J’ai été frappé par ces deux verbes : aimés et choisis ! Les deux mots vont ensemble. « Il a aimé tes pères et a choisi leur postérité après eux ». Souvenons-nous des paroles de Jésus : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ». « Et leur postérité après eux ». « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie. Il faut que je les amène, et elles entendront ma voix et il y aura un seul troupeau et un seul berger » (Jn 10.14-16).
« Il a aimé tes pères et a choisi leur postérité après eux ». C’est encore vrai aujourd’hui. Nous en sommes et les témoins, et les bénéficiaires !
Certains pensent que dans sa toute puissance, Dieu sait à l’avance qui croira en lui. Cela est vrai ; c’est la prescience de Dieu. Mais en réalité il y a plus que cela. Paul dit : « ceux que Dieu a connus d’avance« (Ro 8.29). Ce sont eux qu’il a connus ! Et connaître, c’est beaucoup plus que savoir ! En réalité, ceux que Dieu connaît déjà lui appartiennent déjà. « Ils étaient à toi, tu me les as donnés » (Jn 17). L’amour de Dieu pour son peuple est un amour électif. « Il a aimé tes père et choisi leur postérité ».
Avec ce troisième point, il y a encore une dimension apologétique dans mon message, c’est-à-dire de défense de la foi par rapport aux modèles erronés. Je pense à la notion d’amour inconditionnel tellement en vogue aujourd’hui, qui tient pour acquis que Dieu aime tous les hommes de manière indistincte. Où cela est-il écrit ? Dieu, il est vrai, use de patience envers tous les hommes, il use de bonté envers eux, il nourrit tout ce qui vit. Cela est vrai et très important. Mais l’amour de Dieu, en vérité, est pour son Fils Jésus-Christ et pour ceux qui lui appartiennent (Ro 8.30).
Le verbe ‘aimer’, dans la Bible, est toujours en lien avec cette appartenance. L’apôtre Pierre le dit ainsi, par exemple : « Honorez tout le monde, aimez les frères » (1 Pi 2.17). Honorer, c’est beaucoup, cela implique beaucoup de choses. Mais aimer est pour les frères et soeurs, c’est-à-dire pour Christ : c’est le même amour !
Quand j’aime mon frère ou ma soeur chrétiens, c’est Christ que j’aime au travers de lui, et c’est Christ qui l’aime au travers de moi.
C’est grand !
Charles Nicolas
Souvenez-vous de la femme de Lot !
Genèse 2.22-24 ; 12.1-2 (Quitte !) ; Luc 11.1-2 ; 17.26-36
Vous rencontrez un jour un ami qui vous dit : – Tu connais le Notre Père ?
– Oui, bien-sûr, bien-sûr ! Alors, votre ami (qui se pose sérieusement des questions sur la foi, en ce moment) demande : – Alors, qu’est-ce ça veut dire : Que ton Nom soit sanctifié ?
Remarquez que c’est quand même la première demande du Notre Père ! En un sens, celle qui introduit toutes les autres.
Il est vrai que les traductions récentes ont tâtonné pour rendre cela plus simple à comprendre. Pourtant, ce n’est pas si compliqué. Le texte dit, en somme : Que ton Nom soit reconnu comme saint ! C’est déjà plus clair. Le mot saint veut dire parfait, sans ombre, sans impureté, sans défaut ; entièrement pur. Comme une lumière si éclatante qu’on n’en a jamais vu de semblable. Jamais !
Jean le dit ainsi : « Ce que nous avons appris, c’est que Dieu est lumière et qu’il n’y a pas en lui de ténèbres » (1 Jn 1.5).
C’est merveilleux !! C’est aussi effrayant. Effrayant ?? Mais oui. Parce que la lumière met tout à jour – et notamment notre condition d’hommes et de femmes pécheurs. Paul le dit ainsi : « Que Dieu soit reconnu pour vrai et tout homme pour menteur ! » (Ro 3.4). C’est sérieux ! Un jour, après un miracle opéré par Jésus, Pierre est tombé à genoux et s’est écrié : « Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. Car l’épouvante l’avait saisi » (Lc 5.8-9).
La question que je voudrais poser ce matin est celle-ci, puisque Jésus est le même hier, aujourd’hui et éternellement (Hé 13.8) : Si Jésus venait soudainement devant nous, ici ou à la maison…, serions-nous émerveillés ou effrayés ? Comment répondre ? Peut-être les deux.
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Et c’est ainsi que j’ai repensé à cette parole que Jésus a dite à ses disciples et nous adresse aussi à nous : « Souvenez-vous de la femme de Lot ! » (Lc 17.32). Vous vous souvenez de la femme de Lot ? Jésus nous a recommandé de nous en souvenir. Que s’est-il passé ? Lire Luc 17.28-36. S’agit-il d’une parabole ? Pas du tout.
Pour mieux comprendre, il faut se reporter au récit lui-même, qui se trouve dans le livre de la Genèse au chapitre 19. S’agit-il d’une parabole ? Pas du tout. Lot (neveu d’Abraham), sa femme et leurs deux filles habitent une ville qui ne connaît pas Dieu et dont la corruption s’est accrue peu à peu. Vous savez comment cela se passe. Au début on se permet des libertés, avec un peu de crainte. Puis, comme rien ne se passe, on continue et on va de plus en plus loin. Et la conscience qui, au début était troublée, finit pas ne plus être troublée du tout. La différence entre le bien et le mal a disparu !
La Bible (2 Pi 2.8) nous apprend que Lot ne vivait pas comme ses contemporains et qu’il était malheureux de tout ce qu’il voyait et entendait. Ce qu’il ne savait pas, c’est que Dieu aussi était profondément attristé (on n’y pense pas assez) ; et aussi profondément irrité contre cette ville et qu’il avait résolu de la détruire.
Dieu avait partagé cela avec Abraham (Gn 18) et Abraham avait prié : – S’il reste 50 justes dans la ville, la détruiras-tu ? – Non, avait dit Dieu. – Et s’il en reste 30 ? – Je ne la détruirai pas, avait dit Dieu. – Et s’il y en a 10 ? – J’épargnerai la ville à cause des 10, avait dit Dieu. Mais les 10 n’y étaient pas. Vous entendez ? Les 10 n’y étaient pas !
Alors Dieu a envoyé deux messagers vers Lot, pour lui dire de quitter la ville sans tarder. Sans tarder ? Oui, sans tarder. Lire Gn 19.15-16. C’était sérieux ! 19.17. C’était sérieux ! 19.23-28.
Est-ce une parabole ? Ce n’est pas une parabole. Et Jésus dit très clairement qu’à la fin des temps, les choses se présenteront exactement comme cela. Nous l’avons lu.
Lève-toi ! disent les envoyés à Lot. Peut-être était-il fatigué ; peut-être faisait-il nuit ; peut-être pleuvait-il ou était-il justement en train de faire quelque chose… Lève-toi ! disent les envoyés de Dieu. Un peu plus tard, ils lui disent : Sauve-toi ! Sauve-toi pour ta vie ! Et on pense aux paroles de Jésus : « Que servirait-il pour un homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ? » (Mc 8.36).
Là, le mot qui s’impose, c’est le mot ‘QUITTER’. « L’homme quittera son père et sa mère » dit Dieu. Puis il dit à Abram : Quitte ton pays, ta famille ! Les anges disent à Lot : Va-t-en, pars ! Et ils sont partis… de justesse. Encore un peu et c’était trop tard.
Et la femme de Lot ? La femme de Lot s’est retournée en arrière et elle a été changée en statut de sel. Pourtant, Dieu voulait l’épargner elle aussi, à cause de Lot et à cause d’Abraham. Mais son coeur était attaché à la ville. Son coeur était attaché à la ville. Son coeur était attaché à un trésor et ce trésor était dans la ville qui allait être détruite.
On se souvient de ce que Jésus a dit. « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et ou les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent pas, où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur » (Mt 6.19-21).
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Les islamistes de Daesh n’ont pas raison de commettre des attentats et de faire de fausses promesses aux terroristes. Mais nous n’avons pas raison non plus d’attacher notre coeur aux choses qui vont passer, comme si elles n’allaient pas passer.
– Mais il faut bien vivre ! me direz-vous. Bien-sûr qu’il faut vivre, avoir une maison, et s’habiller, et manger, et se déplacer, etc. Bien-sûr qu’il le faut. Mais tout cela, il faudra le quitter, nous le savons. Et en un sens, il faudrait DEJA le quitter...
Comment faire ? Eh bien, quand nous disons à Dieu : Que ton Nom soit sanctifié, si nous le pensons vraiment, nous sommes déjà en train de quitter tout ce que nous avons, tout ce que nous aimons, et même notre mari et notre femme et nos enfants si nous en avons, et notre maison, notre voiture, etc. pour nous attacher à Dieu en premier. Et même pour nous attacher à Dieu seul. Oui, Lui seul ! C’est ce que veut dire : Que ton Nom soit sanctifié.
Sinon… on a un coeur partagé – et le résultat, c’est qu’il est impossible d’avancer. Les amarres ne sont pas larguées ! On fait du ‘sur place’. Le Berger avance, mais la brebis reste là. Que dit Jésus ? « Le berger appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent, et il les conduit dehors (= quitter !). Lorsque le berger a fait sortir toutes ses propres brebis, il marche devant elles ; et les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix » (Jn 10.3-4).
Et cela correspond bien à l’appel des disciples. « Ayant ramené les barques à terre, ils laissèrent tout et le suivirent » (Lc 5.11). « Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d’aller d’abord prendre congé de ceux de ma maison. Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas propre au royaume de Dieu » (Lc 9.61-62). Mais Pierre pourra dire, plus tard : « Voici, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi » (Mt 19.27).
Etait-ce seulement pour le temps de Jésus ? Non, c’est aussi pour aujourd’hui, si nous voulons qu’aujourd’hui devienne aussi le temps de Jésus. Est-ce que nous le voulons ?
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Comment conclure ce message ? Je le ferai en disant ceci : Prier, c’est quitter ! Aimer Dieu, c’est quitter ! C’est tout quitter. Tout ! C’est ce que signifie cette autre parole de Jésus : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ! » (Mt 6.6). Fermer la porte, c’est quitter ! Pour pouvoir vivre ensuite avec toutes ces choses et toutes ces personnes que Dieu place à côté de nous, mais en aimant Dieu en premier, ce qui est juste !
C’est ce que signifie le premier commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, de toute ta pensée ».
Alors, une grande lumière et une grande joie emplira notre coeur. Ce sera la lumière et la joie de Dieu.
Charles Nicolas
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Demander ou pas ?
Je voudrais commencer avec une question : ce que nous avons reçu, l’avons-nous toujours demandé ? A l’évidence, non. A commencer par l’existence… Noé a-t-il demandé à construire une arche, Abram a quitter son pays, Moïse à aller voir Pharaon, David à devenir roi ? Marie a-t-elle demandé à donner naissance au Messie ? Saul a-t-il demandé à être apôtre ? Non. Et Siméon, qui a reçu l’enfant Jésus dans ses bras ? Mais il est dit de lui qu’il « attendait la consolation d’Israël ». Cette attente ressemble à une demande, n’est-ce pas ? Une demande vécue. De même, il est écrit que le Seigneur reviendra au dernier jour « pour ceux qui l’attendent » (Hé 9.28).
Lire Ps 23.1 ; 1 Tm 6.6 ; Mt 5.5 ; 7.7. Les deux dernières références nous rapportent des paroles de Jésus qui paraissent contradictoires…
Matthieu 5.5 : « Heureux les débonnaires » = ceux qui ne réclament rien.
Matthieu 7.7 : « Demandez et vous recevrez ! «
Que faire ? C’est simple : il faut garder les deux ! Les deux sont vraies ! On ne va pas faire une église de débonnaires et une église de demandeurs ! Mais tantôt il faudra (se) rappeler une de ces deux paroles ; et tantôt l’autre.
- Savoir demander
« Demandez et vous recevrez » dit Jésus. « Frappez et on vous ouvrira ». Et chez Luc, cette parole est même précédée par le récit de l’ami importun qui vient sonner en pleine nuit ! Les débonnaires pensent qu’il ne faut pas demander : ce n’est pas poli ! Pourtant, Jésus dit de demander ! Ce n’est donc pas impoli ! Et non seulement ce n’est pas impoli, mais c’est un commandement de le faire.
J’ai connu un pasteur (âgé maintenant) qui disait : Je ne demande jamais rien pour moi, à Dieu. Mes parents m’ont appris à ne rien leur demander. Ils savaient ce dont nous avions besoin (un carré de chocolat, une pâte de fruits), et nous n’avions rien à demander d’autre. Cela aurait été incorrect. On disait merci, c’est tout. Et donc ce pasteur faisait de même avec Dieu.
Il est vrai que Dieu sait ce dont nous avons besoin (Mt 6.32). Mais Jésus ne dit pas de ne pas demander. Jésus dit de ne pas « multiplier les vaines paroles, comme font ceux qui ne connaissent pas Dieu” (Mt 6.7), car Dieu sait ce que nous allons dire avant qu’on le dise. Et juste après, il donne le ‘Notre Père’ comme modèle(, et). Cette prière est pleine de demandes. Donc on peut demander. On doit demander à Dieu ce dont nous avons besoin. Et aussi (d’abord !) que sa volonté soit faite.
La philosophe Simone Veil[11] a dit ceci : « Dieu veut donner à quiconque demande, mais seulement à qui demande ». Pourquoi cela ? Parce que demander, c’est reconnaître que l’on a besoin, que l’on n’a pas tout ; c’est la position du pauvre, de l’enfant au coeur ouvert. C’est la position de la foi. L’apôtre Jacques le dit : « Il faut que celui qui demande demande avec foi » (Ja 1.6). Demander dans la foi prépare à recevoir dans la foi ! « Faites connaître vos besoins à Dieu », dit Paul (Ph 4.6).
« Comme il commençait à enfoncer, Pierre s’écria : Sauve-moi !« (Mt 14.30). Celui qui crie ainsi à Dieu est prêt à recevoir le secours – et le secours est prêt pour lui !
« Demandez et vous recevrez », dit Jésus. Dans sa lettre, Jacques écrit ceci : « Vous ne recevez pas parce que vous ne demandez pas » (4.2), « ou vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos convoitises » (4.3). Il y a donc deux défauts à éviter : ne pas demander (par fierté ou par incrédulité) ou demander mal (par convoitise, par désir désordonné). C’est bon à savoir. Mais il y a une manière de demander qui est juste et que Dieu attend. Non pas pour l’informer…, mais pour reconnaître qu’on a besoin de Lui, pour lui dire qu’on est prêt à recevoir le secours qui vient de lui.
Peut-on demander n’importe quoi à Dieu ? En réalité, je ne crois pas. Dieu doit nous montrer ce que nous devons demander, c’est-à-dire… ce qu’Il désire lui-même nous donner ! Notre prière doit être accordée avec Dieu (1 Jn 5.14-15) ! C’est la différence entre le jeûne et une grève ! La prière que Dieu exauce, c’est celle qu’il inspire[12].
- Et les débonnaires ?
« Heureux les débonnaires (ceux qui ne réclament rien). Ils hériteront la terre ! »
Vous voyez la différence entre réclamer (l’état d’esprit de la grève, du rapport de force, de la demande capricieuse, obstinée, sourde…) et demander (faire connaître ses besoins).
C’est l’attitude de Paul quand il écrit : « J‘ai appris à être content de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim » (Ph 4.11-12).
Le débonnaire est conscient qu’il ne mérite rien, pas même l’air qu’il respire. Tout est grâce pour lui. Il est reconnaissant en tout temps. Il est simple comme une colombe.
Le débonnaire est satisfait de ce qu’il a. Comme cet enfant qui joue avec une feuille morte, un bout de bois. Le contraire de l’enfant gâté qui a une chambre pleine de jouets et qui en désire encore un qu’il n’a pas. Sa mère ne veut même plus l’emmener faire les courses : toujours il réclame quelque chose. Toujours insatisfait, ingrat, il s’empoisonne la vie et il empoisonne celle des autres.
Le débonnaire possède déjà ce que Dieu a promis, avant même l’exaucement (Ph 4.6-7), y compris s’il doit mourir avant de l’avoir reçu[13]. Cf. Paul et Silas dans leur cachot (Ac 16.25). C’est l’attitude qu’exprime le Ps 23 : « Je ne manquerai de rien ».
Le débonnaire est celui qui est rassasié de ce qu’il a déjà reçu (c’est la foi), mais aussi de ce qui lui est réservé pour plus tard (c’est l’espérance)[14]. Il n’a pas encore hérité la terre (!), mais il est déjà heureux (Cf. Jn 8.56). Il n’a besoin de rien d’autre.
- Les deux à la fois !
La foi demande ; l’espérance attend ! Les deux sont précieuses et légitimes. Ces deux attitudes peuvent et doivent co-exister dans l’Eglise, sans se combattre, sans se dénigrer l’une l’autre. Les deux viennent de Dieu. Elles doivent s’accepter ; mais aussi se corriger mutuellement, car chacune est menacée par un défaut.
- La foi qui accepte (celle des débonnaires) est bonne ! C’est la foi de ceux qui sont conscients qu’ils ne méritent rien et qui sont déjà rassasiés de la bonté de Dieu. En Christ, nous avons tout ! Que demander de plus ? Parfois, c’est quand on arrête de demander qu’enfin on reçoit… MAIS, aussi belle qu’elle soit, cette foi-là est menacée par la passivité, par le fatalisme, par le manque d’ambition pour Dieu. Ce n’est pas bon. Le fatalisme est une forme d’incrédulité qui déshonore Dieu ; quant à la passivité, elle fait le jeu de l’Ennemi !
Il faut des débonnaires dans l’Eglise, des chrétiens qui disent merci pour ce qu’ils ont, qui attendent patiemment ce qu’ils n’ont pas (Lament. 3.26). L’espérance est pour eux « une ancre de l’âme, solide et sûre » (Hé 6.19). Il faut accepter qu’il y a des choses que nous n’aurons qu’après la résurrection. MAIS les débonnaires doivent apprendre à demander, quand il le faut, pour recevoir ce que Dieu désire leur donner aujourd’hui en vue de mieux servir, pour aller plus loin. L’espérance qui attend ; la foi qui demande et reçoit. Il faut les deux ! (1 Tm 6.6 : la piété, c’est les deux).
- La foi qui demande est bonne aussi. « Demandez et vous recevrez ! ». MAIS elle est menacée par l’ingratitude, par l’oubli de la dimension de l’espérance : on ne va pas tout recevoir maintenant ! L’esprit de revendication se focalise sur un objectif au risque de confondre sa volonté et celle de Dieu ; au risque parfois de mal utiliser l’Ecriture au profit de son propre dessein… « Trois fois j’ai demandé à Dieu », dit Paul (2 Co 12.8). Il ne fallait pas demander davantage…
Il faut des chrétiens qui demandent, des chrétiens qui ont soif de recevoir selon toute la mesure de la grâce de Dieu ; des chrétiens qui veulent grandir, aller de l’avant, qui ne se contentent pas du minimum vital… Ils ont raison. MAIS ils doivent se souvenir de la dimension de l’espérance qui attend avec patience ce qu’on n’a pas encore. Abraham a bien reçu Isaac, mais il n’a pas vu Jésus de ses yeux, ni sa postérité étendue à toutes les nations… Il l’a vu, mais par la foi, sans l’avoir obtenu.
Nous devons apprendre à distinguer entre la persévérance et l’obstination : la persévérance sert Dieu, tandis que l’obstination s’oppose à Lui ! (2 Co 12.8-9). Dans nos prières, alternons les affirmations (« Tu es mon berger » (Ps 23.1) ; tu penches ton oreille vers moi (Ps 116.1ss) et les demandes. Il faut les deux !
Deux questions pour terminer ce message :
- Si je penche moi-même trop d’un côté, saurai-je me corriger pour avoir une foi équilibrée ? Entendre Dieu me dire : Demande ! ou : Attends !
- Dieu pourra-t-il m’utiliser pour encourager mes frères débonnaires à avoir aussi la foi qui demande et reçoit ce que Dieu a préparé pour eux ? ou pour encourager « ceux qui demandent toujours » à dire merci pour ce qu’ils ont déjà, à faire confiance à Dieu pour ce qu’ils n’ont pas ?
Ch. Nicolas
Avoir une vie de prière profonde
Psaume 9.2-3 ; Matthieu 6.5-6 ; Romains 8.14-17, 26-27
Je me suis dit : Si tu arrives à bien parler de ce sujet, plusieurs vont sortir avant la fin de la prédication pour aller prier sans plus attendre !
Reconnaissons qu’il n’est pas si facile de prier. Il y a tellement de choses importantes à faire ! Et puis, c’est tellement loin de la raison naturelle, et de ce que les yeux peuvent voir ! Et de la mentalité de tous ceux qui nous entourent…
Ne nous semble-t-il pas, à nous aussi, que tout peut fonctionner sans prière ? La voiture, l’hôpital, l’école, les magasins, etc. Surtout dans nos pays riches où tout est organisé pour fonctionner sans Dieu. Même les églises, parfois. Le directeur de la faculté de théologie de Ouagadougou m’a dit : « C’est dur d’être chrétien en France ! »
Je vais rappeler 3 principes de la prière.
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- La vie de prière du chrétien est liée à son identité de chrétien
« L’Esprit lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (Ro 8.16). Les non-chrétiens prient aussi, Jésus le dit. Mais peuvent-ils avoir une vie de prière profonde ? Ils sont peut-être gentils, généreux, dévoués, intelligents, mais ils ne connaissent pas Dieu – dans le sens de cette parole de Jésus : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent » (Jn 17.3). Ils prient un dieu inconnu. Jésus nous avertit : Ne priez pas comme cela !
Le verbe ‘connaître’ doit être pris ici dans son sens fort. Ce verbe implique deux choses : une appartenance et une communion de vie.
Le sentiment d’appartenance : celui d’un homme (ou d’une femme) misérable qui a été racheté et qui a reçu dans son coeur un esprit d’adoption. C’est même plus mystérieux et plus profond que cela, car Jésus dit à son Père : « Ils étaient à toi et tu me les as donnés ! » (17.6). Vous voyez l’appartenance ? Rappelons-nous les paroles de Jésus : « Je connais mes brebis et elles me connaissent. J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie… Mes brebis écoutent ma voix et je les connais et elle me suivent… » (Jn 10). C’est beaucoup ! Ne l’oublions jamais. Mais il y a plus encore :
Le sentiment de partager la même vie ! « Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis ». Cela a un rapport direct avec ce que dis Jésus : « Je suis le cep, vous êtes les sarments ». Paul dira : « Nous sommes devenus une même plante avec lui » (Ro 6.5). Frères et soeurs, c’est là le cadre de la prière.
C’est pourquoi, la prière du chrétien est avant tout une prière de grande assurance et une prière de grande reconnaissance, tandis que la prière des non-chrétiens est une prière hésitante, tâtonnante, tentée par le marchandage… On devrait dire que la prière du chrétien est une prière de totale et pleine confiance, de totale et pleine reconnaissance.
- La vie de prière du chrétien est liée à sa manière de vivre
Je vais utiliser une comparaison que certains trouveront peut-être osée. Il en est de la prière du chrétien comme de la relation intime au sein d’un couple. Dans les deux cas, le cadre est celui d’une alliance. « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi » (Ct 6.3). Paul lui-même associe la relation de couple et la prière quand il écrit aux Corinthiens mariés : « Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord, afin de vous consacrer à la prière. Puis, retournez ensemble » (1 Co 7.5).
Paul dit ici qu’un chrétien marié est appelé à vivre deux relations intimes : avec son conjoint et avec le Seigneur. Les deux sont tellement profondes qu’elles pourraient entrer en concurrence dans son coeur ; il ne le faut pas. La relation avec le Seigneur doit demeurer la première. Dieu est jaloux de notre coeur. Mais là où je veux en venir, c’est ceci : la relation intime dans le couple sera riche et profonde si elle est accordée avec la manière de vivre de ce couple, tout le jour, tous les jours (amour, respect, fidélité, patience, attention, écoute, etc…). La relation sexuelle dans le couple est un renouvellement d’alliance qui ne devrait en aucun cas être coupé de ce qui précède et de ce qui suit ! Il en est de même pour la prière. Sinon, il y a un risque de mensonge, ce qui est exactement le contraire de la prière.
La vie de prière du chrétien est inévitablement liée à la manière de vivre du chrétien, notamment dans sa maison. L’apôtre Pierre dit par exemple aux hommes : « Maris, ayez une conduite pleine d’attention à l’égard de vos épouses, car elles sont d’une nature plus délicate. Qu’il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières ». On ne pensait pas qu’il y avait un rapport. Eh bien si ! Tout est lié.
En d’autres termes, ce qui précède la prière introduit et prépare la prière ; et la prière introduit et prépare ce qui suit. Nous comprenons que cela devrait pratiquement être un va-et-vient constant, car au bout de 3 minutes, on est déjà en train de s’égarer si on n’y prend pas garde. Et alors, on ne va pas attendre la liturgie de dimanche prochain pour dire : « Seigneur, j’ai vécu comme ceux qui ne te connaissent pas ! ». Non ! Tout de suite : « Seigneur, je m’égare. J’ai besoin de toi. Je sais que tu es là. Viens à mon aide ! Merci parce que tu entends, tu vas prendre soin de moi ».
Souvenons-nous que ‘Amen’ ne veut pas dire : Fin ! Cela veut dire : En vérité ! C’est tout le contraire ! Dire ‘Amen’, c’est signer une feuille de route ! Je le répète : ce qui précède la prière et ce qui suit la prière est aussi important que la prière elle-même. Sinon, nous sommes des hypocrites. Dieu n’écoute pas la prière des hypocrites. C’est pourquoi Jésus dit par exemple : Avant de prier, va demander pardon à celui que tu as offensé. Notez que c’est aussi le cas pour le culte : ce que nous vivons avant de venir au culte (hier, ce matin…) conditionne bien plus que nous le pensons ce que nous pouvons vivre durant le culte – avec les mêmes chants, la même prédication… La différence peut être considérable !
Vous savez ce qu’est une tresse ? La prière doit être tressée avec ce que nous vivons, heure après heure. C’est pourquoi l’obéissance à Dieu est, en fait, la plus belle prière. L’obéissance est la prière permanente du chrétien.
- La vie de prière du chrétien est tournée vers Dieu
Vous connaissez l’histoire de ce petit enfant dont les parents fêtaient l’anniversaire avec de nombreux invités. Au bout d’un long moment de festivités, quelqu’un a dit : Mais où est l’enfant ? On l’a cherché longtemps, avant que quelqu’un le trouve en train de dormir sur le lit, sous les manteaux. On pourrait appeler cette histoire : Le grand absent. La prière, c’est le contraire de cela. La prière, c’est ce qui fait de Dieu LE GRAND PRESENT. Celui qui est plus présent que tout le reste !!
« Seigneur, ton serviteur se lève », disait un vieux berger en se levant, chaque matin. Prier, c’est mettre Dieu en premier. Le Notre Père nous le montre très clairement.
– Dire merci à Dieu, c’est le mettre en premier : Je reçois tout de toi, je suis gérant.
– Supplier Dieu, c’est le mettre en premier : Si tu te retires, je suis perdu !
– Se consacrer à Dieu, c’est le mettre en premier : Je t’appartiens, je t’offre ma vie.
– Intercéder, c’est encore mettre Dieu en premier : De toi vient tout secours efficace.
Deux points avant de terminer. La vie de prière du chrétien est liée à son sentiment de dépendre entièrement de Dieu. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Si je crois que dans ma vie je me débrouille pas si mal tout seul, je vais prier d’une certaine façon. Je vais ajouter un peu de prière à ma vie, un peu comme on ajoute une cerise sur un gâteau – mais le gâteau n’a même pas le goût de la cerise. Si le Seigneur m’a un jour montré que je ne peux rien faire de juste sans lui, rien ! – alors le lien qui va me relier à lui du matin au soir sera semblable à celui qui relie le sarment au cep. Un lien vital. En fait, la prière, c’est cela. Nous l’apprenons dans les moments de dénuement ou de grande douleur : Seigneur, si tu te retires, je suis perdu. Sois mon aide en cet instant. Viens à mon secours. Je t’appartiens et je m’appuie sur toi. Merci parce que tu es là !
Un dernier mot : « C’est de l’abondance du coeur que la bouche parle » dit la Bible. Je suis frappé de voir qu’il y a beaucoup de chrétiens dans la bouche desquels on n’entend presque jamais le nom de Jésus. Je sais bien qu’il ne suffit pas de dire : « Seigneur ! Seigneur ! », mais quand-même. On entend des noms de pasteurs, des dates de réunion, des projets à mettre en oeuvre, des activités de l’église, etc. Mais le nom de Jésus, vous ne l’entendez pas très souvent. Pourquoi ? Cela est sans doute significatif de quelque chose.
Le Ps 9.1-2 nous montre qu’il y a un lien entre parler de Dieu et parler à Dieu.
« Je louerai l’Eternel. Je raconterai toutes tes merveilles ! ». Imaginez un homme ou une femme qui ne parlerait jamais de son conjoint. On se dirait : Est-il marié ? Pourquoi parlons-nous plus facilement de l’Eglise que de Dieu ou du Seigneur Jésus ? Qui doit venir en premier, normalement ?
Parler de Dieu, parler à Dieu : la prière et le témoignage. C’est un même mouvement. C’est le même Esprit qui conduit l’un et l’autre. C’est le même débordement d’un coeur rempli de l’amour du Seigneur. C’est la volonté de Dieu pour moi, pour toi. Charles Nicolas
Une vie digne de l’Evangile
Psaume 23.3 ; Philippiens 1.27a
On m’a demandé de prêcher sur un demi-verset… Mais c’est bien assez !
« Conduisez-vous d’une manière digne de l’Evangile de Christ ! »
On n’est pas contre… Mais qu’est-ce que cela veut dire ? A-t-on le droit de poursuivre la lecture de cette page (de ce verset, même) si on n’a pas bien saisi ce que cela signifie « se conduire dune manière digne de l’Evangile ». C’est comme quand vous cherchez votre route et que quelqu’un vous explique la direction. Mais dès le premier tournant, vous ne savez plus ce qu’il a dit. Ce n’était pas clair. Comment avancer ? Que voulait dire Paul ? Et encore cette question : les mots Evangile et digne ne s’excluent-ils pas l’un l’autre ?? Que voulait dire Paul ?
- La parole d’un testament
Tout prédicateur doit jeter un oeil sur le contexte. Le contexte large, c’est bien-sûr le Nouveau Testament qui, comme son nom l’indique est un testament. C’est à dire une parole d’alliance entre Dieu et son peuple. La parole d’un testament relie et engage son auteur et ceux qui sont les destinataires, vous le savez bien. La parole d’un testament est porteuse de promesses ; elle est aussi porteuse d’obligations. Pas de mérites, mais d’obligations, ce n’est pas pareil. Il n’y a jamais, à ce niveau. Jamais. Mais il y a des conditions, des obligations, une responsabilté. Déjà, nous sommes en train d’éclairer le mot ‘digne’, dans notre passage.
Mais dans le Nouveau Testament, cette parole de Paul constitue aussi une forme de testament. Le Seigneur est déjà monté au ciel, après avoir donné ses dernières recommandations, ses dernières promesses. Mais maintenant, Paul aussi va partir. « Le meilleur pour moi serait de m’en aller et d’être avec Christ », dit-il. Vous vous rendez compte, quand la jeune église entend cela ? C’est la parole de quelqu’un qui, bientôt ne sera plus là. Il le dit encore plus précisément juste après : « Sois que je vienne soit que je sois absent… ». On devine le combat dans le coeur de l’apôtre, comme quand les enfants quittent la maison : que vont-ils faire de tout ce qu’on leur a appris ? Comment vont-ils affronter les situations, tous périls ? Et la mission qui leur est confiée ?
« Moi aussi je vais m’en aller », dit Paul. « Seulement, conduisez-vous d’une manière digne de l’Evangile de Christ ».
- La notion de dignité
Que signifie le mot digne ? Le terme grec signifie littéralement : qui entraîne par son poids. Par extension : qui a de la valeur, qui mérite qu’on y porte attention. C’est intéressant.
Le sens s’éclaire aussi quand on considère son contraire : qui est léger ! Ce sens contraire, nous l’avons tous entendu dans les paroles que Paul dit avoir reçues du Seigneur concernant la manière de participer au repas du Seigneur. « Pas d’une manière indigne », sinon il pourrait y avoir des conséquences assez grave, dit-il. Les pasteurs sont parfois génés avec cela… Pas légèrement ! Normalement, chacun de nous comprend pourquoi on ne doit pas prendre le pain et le vin du repas du Seigneur légèrement. Et si quelqu’un ne comprenait pas bien, son pasteur devrait le lui expliquer. C’est important.
Nous commençons à comprendre ce que signifie « se conduire d’une manière digne ». Une manière qui a du poids ! Je pense à cette parole du livre de Daniel, s’adressant au roi de Babylone : « Tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger ». On n’a pas envie de rire. Juste avant on peut lire : « Le Dieu suprême domine sur le règne des hommes et il le donne à qui il veut. Et toi, tu n’as pas humilié ton coeur, bien que tu aies su toutes ces choses… » Juste après, on lit ceci : « Cette même nuit, le roi des Chaldéens mourut » (Chap. 5 de Daniel). « Tu as été pesé dans la balance et tu as été trouvé léger ». Cela me fait beaucoup réffléchir, et un peu trembler…
- L’Evangile de Jésus-Christ est-il léger ?
Ici, je suis obligé de poser cette question : l’Evangile de Jésus-Christ est-il quelque chose de léger ? La réponse à cette question va conditionner le reste.
Je crains, malheureusement que dans l’esprit du monde, le mot Evangile évoque quelque chose de léger. Je ne vais pas dire (ce serait trop facile) : C’est notre faute. Ce ne serait pas forcément juste. Quand Paul a prêché à Athènes, il a été parfaitement fidèle, mais au bout d’un moment, ses auditeurs sont partis en se moquant. « Nous t’entendrons là-dessus une autre fois ». La raison de cette impression que le monde peut avoir concernant l’Evangile, c’est l’aveuglement. Leurs yeux sont empêchés de le reconnaître. Cela ne nous fait pas plaisir, mais cela ne devrait pas trop nous étonner.
Cependant, il est aussi possible que le mot ‘Evangile’ raisonne comme quelque chose de léger à cause des chrétiens.
Au chapitre 1er de la lettre aux Galates, Paul écrit : « Je suis stupéfait (Calvin traduit : « Je m’ébahis ! ») que vous vous détourniez si promptement pour passer à un autre Evangile ». Il veut dire un évangile qui ressemble bien à l’Evangile véritable, mais qui a été altéré (le mot grec a donné le mot hétérogène), accommodé. « Si quelqu’un (y compris un ange, y compris moi-même) vous annonce un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit regardé comme anathème ». C’est-à-dire comme indigne. Ne l’écoutez pas.
Je remarque que Paul dit : « l’Evangile de Christ », comme si le mot ‘Evangile’ tout seul ne suffisait pas ; pour qu’on ne croit pas trop facilement que toute bonne nouvelle qu’on nous dit (puisque c’est le sens du mon ‘évangile’) serait d’emblée l’Evangile de Christ. Je ne veux pas être long sur ce point, mais quand-même. Beaucoup croient aujour’hui que dans ce monde morose, il suffit que ça brille pour que ce soit l’Evangile.
Nous ne devrions pas tellement chercher à impressionner le monde par tous les moyens, pour attirer son attention, pour nous faire remarquer. Jésus nous a averti : « Si le monde vous méprise (vous trouve léger), sachez qu’il m’a méprisé avant vous » (Jn 15.18). Jésus était-il léger ? Nous savons bien que non ! Frères et soeurs, ne soyons pas captifs de ce que le monde pense de nous. « Est-ce la faveur des hommes que je cherche, dit Paul, ou celle de Dieu ? » (Ga 1.10).
C’est une question-clé. C’est la question des disciples, que je vous propose de garder avec vous. Nous sommes dans le sujet de ce soir.
- Conduisez-vous !
L’expression : Conduisez-vous, devrait être traduite par : Conduisez-vous publiquement. Le terme grec comprend en effet la racine polis qui signifie la ville. Il s’agit de vivre devant Dieu et devant tous. Cela est dit de l’enfant Jésus quand il avait 12 ans : « Il grandissait en stature, en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes ». C’est une compréhension de la vie chrétienne qui a été fortement restaurée à la Réforme, exprimée par la formule Coram Deo : Devant Dieu. Cela signifie tout simplement en toutes circonstances, puisque Dieu est partout présent.
L’expression « devant Dieu et devant les hommes » abolit tout cloisonnement. Une parole de Jésus le dit sans détour : « Ce qui a été murmuré aux oreilles sera publié sur les toits ! ».
- Cette parole m’invite à évoquer la conduite à la maison. A bien des égards, ce qui se vit à la maison prime sur ce qui se vit à l’extérieur, que ce soit « à l’église » ou dans la cité. C’est le fameux : « Entre dans ta chambre, ferme la porte et prie » de Matthieu 5. Cette règle est capitale. Voilà quelqu’un qui est impeccable à l’église, et qui est impossible à la maison. Ce n’est pas parceque la porte est fermée que je ne dois pas me conduire d’une manière digne de l’Evangile de Christ.
Beaucoup de problèmes dans les églises demeurent insolubles parce qu’il y a des résistances, des désobéissances persistantes dans les maisons. La prière, l’écoute de Dieu, l’obéissance, le pardon demandé et accordé, l’esprit de service… c’est à la maison que cela s’apprend et se vit en premier. Si tu es chrétien/chrétienne, ta manière de vivre a une grande importance même quand un es seul(e), même quand personne ne te voit.
Beaucoup semblent croire que la réalité de l’Eglise cesse d’exister dès la fin des réunions… Ce n’est pas du tout vrai ! En réalité, chaque fois que tu es fidèle, cela est en bénédiction non seulement pour toi, mais aussi pour l’Eglise tout entière ! Même si tu n’en parles à personne. Même si personne ne le voit. Mais chaque fois que je résiste à Dieu, chaque fois que je néglige d’écouter, ce n’est pas moi seulement qui suis freiné, meurti : l’Eglise l’est aussi, car nous sommes membres les uns des autres, y compris quand nous ne sommes pas ensemble.
En réalité, ma conduite a un impact bien plus grand que ce que je pense. En bien comme en mal.
- Dans les maisons, quelques uns vivent en couple. Que signifie se conduire d’une manière digne de l’Evangile de Jésus-Christ ? Les maris, d’abord, doivent se souvenir que leur attitude, en tous temps, doit reflêter celle de Christ. Il a aimé son Eglise le premier ; il a donné sa vie pour la racheter et la parer ; il la nourrit et en prend soin comme on le fait pour son propre corps. Il s’est fait serviteur pour exercer une autorité bienveillante. Sans que nous ne méritions rien de tout cela. Tel doit être l’amour des maris pour leur épouse. Ce reflet de l’attitude de Christ donnerait beaucoup de poids aux paroles prononcées et parlerait aux consciences de beaucoup ! Beaucoup d’hommes chrétiens ne sont pas conscient de cette vocation qui est la leur.
Les épouses doivent se souvenir que leur attitude en tout temps doit reflêter celle de l’Eglise aimante en retour, servante en retour, fidèle en retour, joyeuse en retour de l’amour qu’elles ont reçu : l’amour du mari, bien-sûr – et l’amour du Christ quand l’amour du mari manquera. Ainsi la vie des épouses, sans grand discours, par leur conduite, est une proclamation de l’Evangile, une prédication vivante de la grâce reçue, dans l’église et dans le monde (Cf. 1 Pi 3).
- Les enfants doivent se souvenir que dans une maison où le Seigneur est invoqué, ils sont appelés à vivre comme de petits disciples : sûrs de l’amour de leurs parents, sûrs de l’amour du Seigneur, et obéissants en retour. Dès le plus jeune âge. Le plus tôt c’est le mieux. Les enfants qui apprennent et le vivent démontrent, sans grand discours, qu’obéir par amour est une des clés du bonheur et que celui qui obéit en conscience est plus heureux que celui qui n’en fait qu’à sa tête !
Certains pensent peut-être que je dépeins une situation idéale. Pas du tout. Le problème, c’est que plus c’est difficile, plus nous sommes tentés de baisser les bras… On part vaincus. C’est comme quand une voiture a pris un coup : après on fait moins attention. Je ne dépeins pas une situation idéale. Je rappelle ce que sont « les sentiers de la justice » du Psaume 23, dans une réalité qui est tout sauf idéale.
- Pour montrer que je ne dépeins pas une situation idéale, je dois encore dire un mot du le milieu professionnel. On n’en parle pas assez et trop de chrétiens sont confrontés seuls à la tentation d’abandonner leur vocation de chrétiens dans le milieu professionnel, tellement c’est difficile. L’expression utilisée par une formatrice du personnel hospitalier est significative : elle demande aux soignants de « laisser leur foi aux vestiaires ». Elle ne doit pas savoir ce que c’est que la foi ! Je le lui ai fait remarquer. Elle m’a dit : Je sais que cela pose un problème, mais la loi l’exige. Ce n’est pas vrai. Depuis un siècle, nous nous sommes laissés intimider bien plus qu’il le fallait. Je ne parle pas de distribuer de la littérature chrétienne. Je parle de vivre en chrétien sur son lieu de travail.
Assez rares sont les chrétiens qui vivent dans le milieu professionnel ce qu’ils ont chanté le dimanche matin. La pression est très forte. Celle de la laïcité intimidante, bien-sûr. Mais aussi la pression du groupe, tout simplement : la posture, le ton, la mentalité, les habitudes, la dégaine, le vocabulaire, les sujets de conversation, les règles, les codes, les valeurs, les objectifs… Est-ce que les chrétiens, dans leur milieu professionnel, peuvent entendre leur conscience qui leur dit : Là oui, là oui, là oui ; là non ? Il le faudrait. Et il faudrait qu’ils y soient encouragés et puissent prendre les mesures appropriées quand cela devient trop difficile : rencontrer un autre chrétien, prendre conseil et prier ensemble, par exemple.
Vous savez, pour les enfants, la cour de l’école, c’est comme le milieu professionnel. Eux aussi doivent apprendre dire : Là oui, là oui, là oui, là non. Comment l’apprendront-ils si les adultes ne le vivent pas d’abord ?
- Digne
« Seulement, conduisez-vous d’une manière digne de l’Evangile de Christ ». Cela signifie qu’il y a une manière indigne, une manière non conforme, qui correspond pas, une manière qui trahit, qui n’est pas en accord, qui ne reflète pas l’Evangile…
Il y a un petit mot qui l’exprime, c’est le mot ‘comme’. « Comme je vous ai aimés, aimez-vous aussi les uns les autres », dit Jésus à ses disciples. Ce n’est pas seulement pour imiter, mais pour agir en conséquence. Puisque je vous ai aimés, de l’amour dont je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. Ainsi, l’amour fraternel est une démonstration de l’amour de Christ pour nous – au travers de nous. C’est la continuité. En fait, c’est le même amour ! Est-ce contre le principe de la grâce ? Loin de là ! C’est le principe même de la grâce. C’est le principe des oeuvres de la foi qui démontrent la foi. Est-ce pénible ? Non. La loi n’est pas pénible pour ceux qui sont nés de Dieu. Est-ce triste ? « C’est une joie pour le juste de pratiquer la justice ! »
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Christ est bien vivant aujourd’hui, mais il n’est plus visible sur la terre – si ce n’est au travers de ses disciples : individuellement comme ses membres, et ensemble comme son corps. Cela signifie quoi ? Cela signifie que ce que fait un chrétien, un observateur peut l’attribuer à Jésus-Christ !
Je songe aux Musulmans qui pensent que tous les Français sont chrétiens ! C’est à pleurer.
Certains pensent : – C’est bien difficile. En réalité, ce n’est pas difficile ; c’est impossible ! Mon message, ce soir, ne va pas se conclure en disant : Faites un effort, améliorez-vous ! La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ne se réduit pas non plus au pardon de nos fautes. L’Evangile est une puissance transformatrice qui opère dés lors que je reconnaîs que je ne pêux pas par moi-même. C’est la grâce de Dieu, c’est Dieu lui-même qui opère ce qu’il dit dans la vie de ceux qui lui ouvrent leur coeur.
Les incroyants, les musulmans et les chrétiens eux-mêmes ont besoin de voir des chrétiens qui marchent d’une manière conforme à l’Evangile de Christ. Une manière intègre, pour que la vérité de l’Evangile soit démontrée autrement qu’avec des paroles. Alors, nos paroles, nos moindre paroles auront un poids beaucoup plus grand. Avoir du poids. Le contraire d’être léger !
(Convention chrétienne des Cévennes, Anduze, oct. 2016)
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Aimer de l’amour de Christ
Jean 13.34-35 ; Colossiens 1.3-5 ; 1 Pierre 2.15-17
Je voudrais inviter chacun de vous à imaginer son coeur comme une coupe – grande ou petite, peu importe – que Dieu veut remplir juqu’à ce qu’elle déborde.
– « Tu oins d’huile ma tête et ma coupe déborde » (Ps 23.5).
Je voudrais aussi inviter chacun à imaginer son église comme une coupe – grande ou petite, peu importe – que Dieu veut remplir jusqu’à ce qu’elle déborde.
– « Qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble. C’est comme l’huile précieuse qui, répandue sur la tête, descend sur les bords de ses vêtements » (Ps 133).
Ce débordement, c’est la bonne odeur de Christ, c’est le témoignage naturel des chrétiens et de l’Eglise dans ce monde. La phrase-résumé de mon message est celle-ci :
La vie chrétienne, c’est la Vie-même de Christ en nous.
- L’amour chrétien, c’est l’Amour-même de Christ !
Les églises sont souvent tentées de s’organiser comme de sympathiques associations cultuelles, avec des réunions et des activités… Mais un chrétien ou une église peuvent avoir beaucoup d’activités et peu de vie. Ne nous trompons pas !
Dans sa première lettre, l’apôtre Pierre écrit : « Avant tout, AYEZ les uns pour les autres un amour fraternel ardent » (1 Pi 4.8). Il ne dit pas : Faites, mais : Ayez !
Dans le même sens, Paul dit : « Si je n’ai pas l’Amour, tout cela est vain ! » (1 Co 13.2).
Ailleurs – et je trouve que c’est extrêmement parlant – il dit : « L’amour de Dieu est versé dans nos coeurs par le St Esprit qui nous a été donné » (Ro 5.5).
On est loin de la vie chrétienne perçue comme une morale !
On est loin également de la compréhension sentimentale de l’amour qui prévaut si souvent. Est-ce que l’Amour de Christ pour ses disciples est un amour sentimental ? Est-ce que notre amour pour le Seigneur est un amour sentimental ?
Alors l’amour qui existe entre nous ne doit pas l’être non plus.
En réalité, c’est le même ! La vie chrétienne, c’est la Vie-même de Christ en nous.
Et l’amour dont nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres, c’est l’Amour de Christ pour chacun de nous. C’est le même ! C’est celui-là ! Sinon, nous serions dans une imitation de l’expérience chrétienne…
Quand Paul écrit par exemple : « L’amour de Christ nous presse » (2 Co 5.14), on peut comprendre qu’il évoque tout à la fois l’Amour de Christ pour nous, notre amour pour lui et l’amour que nous avons les uns pour les autres en tant que membres de son corps ! En fait, c’est toujours l’Amour de Christ !
Jésus dit précisément cela à ses disciples, quand il leur demande de « s‘aimer les uns les autres comme il les a aimés » (Jn 13.34-35). Le ‘comme’ de ce passage n’est pas un ‘comme’ d’imitation seulement ; c’est un ‘comme’ d’implication, qui signifie : De l’Amour dont je vous ai aimés (et que vous avez reçu), vous pouvez (et donc devez) vous aimer maintenant les uns les autres.
C’est comme si je dis à quelqu’un : Je t’ai donné de l’eau, ou du pain ; maintenant, tu peux en donner à ton tour, puisque tu en as reçu ». Et Jésus ajoute : « A celà, tous verront que vous êtes mes disciples ». Les regards seront attirés vers Jésus !
Prendre conscience de cela est à la fois magnifique et troublant.
– C’est magnifique car cela rend l’amour chrétien plus beau et précieux que ce qu’on peut imaginer : ce n’est pas un effort pour être gentil, c’est l’Amour de Christ en nous. C’est le principe même de la grâce, car l’amour n’habite pas en nous de manière naturelle. Ce principe de la grâce, nous l’avons bien accepté pour le salut, mais nous oublions parfois de l’appliquer à la vie chrétienne elle-même…
– Cela peut paraître troublant aussi car cela rappelle l’échec de l’homme naturel à aimer comme Dieu veut. Et cela signifie que l’amour véritable est le propre de l’expérience chrétienne. « Nous, nous avons connu l’Amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru » (1 Jn 4.16). ‘Connaître‘, ici, veut dire recevoir, goûter[15]. Cela implique que ceux qui ne l’ont pas reçu, en réalité ne le connaissent pas… Ils vivent certes de la patience, de la générosité de Dieu ; mais son Amour, comment pourraient-ils le connaître ?
- La foi, l’espérance et l’amour
N’est-ce pas aller trop loin ? Voyons cela. A la fin de 1 Co 13, Paul écrit : « Trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour » (1 Co 13.13)[16]. Pour la pensée profane, l’amour est une réalité tout humaine, distincte de la foi et de l’espérance. Mais la Bible dit ici que ces trois réalités sont indissociables : les trois viennent de Dieu. Evidemment, ce que je rappelle là, seuls des chrétiens peuvent le comprendre.
Beaucoup se disent que bien des non-chrétiens pourtant semblent avoir autant ou plus d’amour que de nombreux chrétiens… Que penser de cela ? Frères et soeurs, tout ce qui ressemble à l’amour n’est pas l’amour. Il se pourrait que nous nous trompions souvent… Souvenez-vous de ce que Paul écrit : « Je pourrais donner tous mes biens pour les pauvres, et même mon corps pour être brûlé »… sans amour (1 Co 13.3). Il aurait pu dire ‘sans la foi’, ou ‘sans Dieu’. Mais il dit sans amour.
Nous avons entendu tout à l’heure ce que Paul écrit aux Colossiens. Il mentionne leur foi en Jésus-Christ et leur amour pour tous les saints – « à cause de l’espérance qui leur est réservée dans les cieux, que la parole de vérité, la parole de l’Evangile leur a fait connaître » (Co 2.3-5. Cf. Ep 1.15). Les trois sont bien indissociables[17].
Frères et soeurs, ceux qui ne connaissent pas le Seigneur vivent aussi des moments sympathiques ou formidables entre eux. Et même de grands dévouements : il y a des non-chrétiens qui sont patients, dévoués, gentils, zélés, attentionnés, joyeux, disponibles, généreux, intelligents, efficaces, etc. Est-ce que cela fait d’eux des chrétiens ? Est-ce que cela signifie qu’il y a de l’amour en eux ? Ce n’est pas certain.
Les incroyants, par définition, ignorent l’Amour de Dieu. Mais ils peuvent malgré tout accomplir de bonnes choses (Ro 2.14). On peut donc faire de bonnes choses sans amour, comme le dit explicitement 1 Co 13.3. Tant mieux pour les bonnes choses ! Mais dommage pour l’amour… Il se pourrait que l’amour véritable soit beaucoup plus rare sur cette terre que ce que nous croyons.
Dire cela est en accord avec ce qu’enseigne l’Ecriture : Jésus n’a pas appelé des hommes et des femmes gentils pour leur dire : Soyez encore un peu plus gentils ! Dieu appelle des hommes et des femmes sans amour, il brise leur coeur, et il verse dans ces coeurs son Amour par le St Esprit. C’est la dimension de la grâce. Mais là où cet Amour n’est pas versé, comment s’y trouverait-il ? Un jour, il n’y aura plus que l’Amour ; pour le moment, la foi, l’espérance et l’amour demeurent, entièrement liés.
- Votre amour pour tous les saints
Nous avons entendu cette expression : « Votre amour pour tous les saints » (Co 1.4). Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que l’amour fraternel n’est pas un amour sentimental : c’est l’amour de Christ pour les siens, au travers des siens. C’est un amour propre au corps de Christ. L’amour fraternel est un amour de communion. En langage théologique, on dira que c’est un amour christocentrique, c’est-à-dire qu’il concerne Christ et ceux qui lui appartiennent – car c’est tout un (1 Co 12.12).
Et les autres alors ? Les autres, « ils verront que nous sommes ses disciples », comme le dit Jésus lui-même (Jn 13.35). C’est la réalité du corps, qui nous unit au Seigneur et les uns aux autres d’une manière semblable à celle qui unit le Christ et son Père ! « Qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17.21). C’est grand !
« Votre amour pour tous les saints ». Ailleurs, Paul dit : « Pourvoyez aux besoins des saints » ; ou encore : « Je vais à Jérusalem pour le service des saints »[18]. L’expression « les uns les autres » (Jn 13.34 ; 1 Pi 4.8-10) dit cela aussi, car elle désigne toujours la communauté des disciples, et c’est par utopie qu’on veut l’appliquer à l’ensemble des hommes. Si cet Amour doit toucher aussi les autres, c’est par débordement. Mais il n’y aura pas de débordement si nous ne le vivons pas d’abord et suffisamment (c’est-à-dire concrètement, sans défaillance grave) au sein de la communauté chrétienne.
Je termine avec le dernier texte que nous avons lu : « Honorez tout le monde, aimez les frères, craignez Dieu, honorez le roi » (1 Pi 2.17). Honorer, c’est reconnaître la valeur de quelqu’un. Cela signifie que mon regard sur toute personne que je rencontre, quelle qu’elle soit, lui dit qu’elle a plus de valeur que ce qu’elle croit elle-même, en tant que créature de Dieu. Et cela peut se traduire de beaucoup de manières. Mais le verbe aimer est destiné aux frères dans la foi. C’est toujours ainsi. Pas parce qu’ils sont meilleurs mais parce qu’ils appartiennent à Christ. Aimer les frères et soeurs en Christ et aimer Christ, c’est un même amour.
Quand j’aime mon frère/ma soeur en Christ, c’est Christ que j’aime au travers de lui/d’elle, et c’est Christ qui l’aime au travers de moi. C’est grand ! Ch. Nicolas
Des brebis dehors…
Jérémie 23.3-4 ; Luc 15.1-7 ; Actes 2.39, 42, 47b
J’ai donné 20 heures de cours sur la prédication à Ouagadougou, cet automne. En 20 h., on dit des choses ! Une de ces choses est celle-ci : Toute prédication devrait pouvoir être résumée en une phrase claire, facile à retenir. Quelques fois, à la fin du message, le prédicateur ne sait pas lui-même ce qu’il a dit ! Mais, normalement, un enfant de 12 ans devrait pouvoir le dire.
Alors, cette phrase-résumé, je vous la donne tout de suite. Elle ressemble à un cri d’alarme : Il y a des brebis du Seigneur qui sont encore dehors. Presque, je pourrais m’arrêter là et demander à Dieu de parler au coeur de chacun, de montrer à chacun ce qu’il doit faire, ayant entendu cela… Il y a des brebis du Seigneur qui sont encore dehors !
- Qu’est-ce que cela signifie ? Nous allons nous pencher dans quelques instants sur la parabole de la brebis perdue, mais auparavant, je voudrais mentionner cette affirmation frappante de Jean Calvin : « Il y a beaucoup de loups dans l’Eglise, et beaucoup de brebis dehors ». C’est évidemment troublant. Paul a déjà parlé des loups aux anciens de l’église d’Ephèse : « Il s’introduira parmi vous des loups » (Ac 20.29-30). Dans ce passage, il demande aux anciens de prendre garde au troupeau que Dieu s’est acquis, sur lequel le Saint-Esprit les a établis comme gardiens. On voit que Dieu est très directement concerné. C’est son Eglise ! On voit que nous aussi, nous sommes concernés : « Prenez garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau… ».
Quand Calvin écrit qu’il y a beaucoup de loups dedans et beaucoup de brebis dehors, il dit d’abord qu’il en sera toujours ainsi : l’Eglise visible et organisée ne correspondra jamais exactement au peuple des rachetés que Dieu seul connaît exactement. Mais il dit également qu’il est bien dommage qu’il en soit ainsi, et que c’est à cause de la faiblesse des pasteurs et de l’Eglise. Et donc qu’il faudrait y remédier sans chercher toujours des excuses : qu’il y ait moins de loups dedans, et moins de brebis dehors !
Par contre, nous sommes infiniment rassurés quand nous entendons ce que Dieu dit par le prophète Jérémie : « Je rassemblerai le reste de mes brebis, je les ramènerai dans leur pâturage, elles n’auront plus de crainte, et il n’en manquera aucune, dit l’Eternel » (Jr 23.3-4). Il n’en manquera aucune. Que c’est beau !
Mais pour le moment, il en manque !
- Voyons la parabole de la brebis perdue. « Les publicains et les gens de mauvaise vie s’approchaient de Jésus » (Lc 15.1). On ne voit pas tellement Jésus aller chercher ces personnes, mais elles viennent vers lui. C’est intéressant. C’est également ainsi pendant les temps de Réveil : Dieu envoie ceux qui ont soif. S’il y a de l’eau fraîche, de l’amour, de la lumière dans nos coeurs, dans nos maisons et lors de nos rassemblements, alors nous verrons le Seigneur envoyer ceux qui ont soif.
Le berger de la parabole a cent brebis. Ce nombre est connu, c’est un nombre sûr. Une chose importe pour le berger : qu’il n’en manque aucune[19].
Ce berger désire-t-il agrandir son troupeau ? Pas du tout. Il désire que ses brebis soient toutes là, ni plus ni moins. Or, il en manque une. Ce n’est pas beaucoup ; mais il n’ira pas se coucher : il la cherchera jusqu’à ce qu’il la trouve. C’est une brebis de son troupeau, et elle manque : le berger et le troupeau sont en deuil. Pour le berger, c’est comme s’il lui manquait un membre. Quand il l’a trouvée, alors il y a de la joie – jusque dans le ciel. Comme au retour du fils ‘prodigue’.
Il ne s’agit donc pas d’un berger qui se promène pour voir si, par hasard, une brebis qui n’appartient à personne traînerait par là. Pas du tout. C’est sa brebis. Elle porte sa marque. Il la connaît par son nom avant même qu’il l’ai trouvée. Et elle manque !
Ce que je rappelle ce matin, c’est normalement le fardeau de tous les pasteurs. C’est aussi le fardeau des évangélistes, qui ont un ministère différent mais qui ont le même objectif : que toutes les brebis soient avec le troupeau. Rien de plus. Qu’il n’en manque aucune. C’est aussi le fardeau de chaque chrétien, même s’il n’est pas pasteur ou évangéliste. Nous avons là le signe d’une église mature, quelle que soit sa grandeur. C’était en tout cas le fardeau du Seigneur Jésus et celui de Paul, bien visible dans toutes ses lettres.
- Chez Paul, un mot traduit ce désir ardent : le mot ‘tous’. On le voit par exemple au début de sa lettre aux Philippiens : « Dieu m’est témoin que je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ » (1.8). Tous, c’est qui ? Il le dit au verset 1 : « Tous les saints en Jésus-Christ qui sont à Philippes ». Il ne s’agit donc pas de tous les habitants de la ville ! Certains font pourtant cette lecture. C’est sympa, mais ce n’est pas ce que dit Paul. Il s’agit de ceux qui appartiennent à J.C., que Paul aime d’un amour semblable à l’amour qu’il a pour Jésus-Christ[20]! C’est la dimension du corps de Christ (1 Co 12.12) : tous, mais seulement eux ; seulement eux, mais tous !
– Seulement eux, car c’est du corps de Christ qu’il est question, c’est-à-dire de Christ et de ses membres[21]. « Comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ » (1 Co 12.12). Il appelle le corps Christ ! C’est incroyable ! Seulement eux.
– Mais tous ! Pas seulement ceux qui sont gentils. Pas seulement ceux qui vont bien. Pas seulement ceux de mon église locale. Pas seulement ceux qui sont au culte le dimanche matin (c’est l’aumônier hospitalier qui parle…). Tous, y compris ceux qui sont encore dehors, pour une raison ou pour une autre. Et je vais ajouter une chose étonnante : Y compris ceux qui ne sont pas encore chrétiens et qui le seront un jour, et que le Seigneur connaît déjà[22] !
- Quelqu’un dira : Mais comment le savoir ? Le Seigneur le sait ! Il n’y a qu’à se laisser conduire. Qui donc a dit : Je bâtirai mon Eglise ? Qui donc a dit : Vous serez mes témoins ? Qui donc tisse l’enfant dans le sein de sa mère (Ps 139.15). C’est Lui qui tisse son Eglise, maille par maille. La mère elle-même est témoin de ce qui se passe en elle. Cela la dépasse complètement. Je ne vous dis pas le père !
Qui a dit à Philippe de se diriger vers le désert ? Le Saint-Esprit. Pourquoi ? Justement un ministre éthiopien est en train de repartir dans son pays. Il lit le prophète Esaïe sans comprendre ce qu’il lit. « Comment comprendrai-je si personne ne m’explique ? » dit-il. Il sera baptisé peu après.
Comment savoir où sont les brebis du Seigneur ? Le Seigneur le sait ! Cela suffit. Ensuite, laissons-nous conduire. Renonçons à nos plans et à nos désirs personnels, à nos schémas trop petits ou trop grands. Vous vous souvenez quand Samuel va oindre un des fils d’Isaï pour le faire roi d’Israël. Il voit l’aîné et dit : Il est grand et fort, c’est sûrement lui. Mais Dieu lui dit : Ce n’est pas lui. Dieu avait choisi un autre : David qui gardait quelques brebis derrière la colline.
De même, l’apôtre Jacques écrit : S’il entre parmi vous quelqu’un avec un beau manteau, vous lui dites de venir s’asseoir devant, tandis que vous laissez celui qui est sans apparence au fond de la salle. Vous faites ‘acception de personnes’, c’est-à-dire que vous jugez selon les apparences, selon la chair. Or la chair est sûre de se tromper dans ce domaine. Comme dans tous les domaines, d’ailleurs.
- L’Eglise est menacée par deux écueils : Soit se prendre pour un club, soit se confondre avec la société. Les deux sont injustes. Aujourd’hui, on parle de fraternité (et même de communion) dans tous les sens ; on ne sait plus de quoi on parle. La fraternité chrétienne n’est pas celle d’un club d’amis ; elle est beaucoup plus large. Ce n’est pas non plus la fraternité sociale ou républicaine dont les hommes politiques et certains religieux nous parlent en ce moment, en évoquant le vivre ensemble ou la convivialité[23]. Dans les deux cas, on a perdu la réalité de l’Eglise centrée sur la personne de Christ !
Il y a encore des brebis dehors, vers qui le Seigneur veut nous envoyer. C’est différent ! Est-ce pour qu’on soit plus nombreux le dimanche matin au culte ? Est-ce pour qu’on dise que cette église marche bien ? Est-ce pour que les finances aillent mieux ? Non. C’est pour qu’il y ait moins de brebis du Seigneur dehors. Or, les brebis et le Seigneur, c’est UN. Le corps, les membres et la tête, c’est un tout !
Quand Paul écrit aux chrétiens de Colosses, il dit : « Nous avons été informés de votre foi en Jésus-Christ et de votre Amour pour tous les saints« (1.4). C’est la double marque de fabrique de l’Eglise véritable. « A l’Amour que vous aurez les uns pour les autres (Jésus parle à ses disciples), tous sauront que vous êtes mes disciples », a dit Jésus (Jn 13.35). Cette priorité est-elle au détriment de ceux qui sont au dehors ? Loin de là. Elle est la démonstration que Christ est au milieu de nous, la démonstration que notre message n’est pas une théorie, mais qu’il est porté par un vécu. Qu’importe la théorie sur l’eau, l’amour ou la lumière, si on ne le vit pas !
Frères et soeurs, il y a encore des brebis dehors : des chrétiens attristés et de futurs chrétiens. Dieu sait combien. Ils ont déjà leur place dans son coeur. En ont-ils une dans le nôtre ? En ont-ils une au milieu de nous ? Si c’est le cas, le Seigneur les enverra ; ou nous permettra de les rencontrer, là où ils se trouvent. Préparons-nous ! Charles Nicolas
Une même plante avec lui
Jérémie 1.4-10 ; Jean 12.23-28 ; Romains 6.1-11
Je vais vous confier quelque chose : je n’aime pas prêcher sur la résurrection. Les mots me paraissent trop faibles et cela me décourage. Je me dis : Mieux vaudrait le vivre !
Je ne parle pas là de la résurrection ‘au dernier jour’. Souvenez-vous du dialogue entre Jésus et Marthe, devant le tombeau de Lazare : « Ton frère ressuscitera », dit Jésus. Et Marthe répond : « Je sais qu’il ressuscitera, à la résurrection, au dernier jour ». Cela c’est l’espérance, et je peux en parler sans problème. Mais Jésus, comme avec la Samaritaine, veut lui parler d’autre chose. Il lui répond en parlant au présent : « Je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela ? ». Marthe le croit, mais comment le comprendre ? Et comment le vivre ?
Ce sujet est repris par Paul au chapitre 6 de sa lettre aux Romains. Paul n’utilise pas le mot ‘résurrection’ ici mais c’est bien de cela qu’il parle, et il en parle comme d’une réalité présente et non à venir. La résurrection à venir, c’est notre espérance ! La foi, c’est la résurrection au présent ! Il faut les deux. Quand Paul écrit que c’est « afin que nous marchions en nouveauté de vie », il ne parle pas du dernier jour ; il parle de maintenant. Qu’en est-il pour moi ? Qu’en est-il pour toi ?
- D’abord mourir !
Savez-vous quelle est la première condition pour ressusciter ? C’est d’être mort ! Le dialogue de Jésus avec Marthe se passe devant un tombeau. (Beaucoup, aujourd’hui, voudraient que l’Evangile ne soit transmis que par des mots positifs : la réconciliation, le vivre-ensemble… La vie est déjà si difficile. Enfin un peu de douceur ! Enfin un peu de sucre ! Mais cela ne va pas très loin. C’est comme le programme des candidats aux élections…).
Dans le récit biblique, il y a nécessairement la croix avant la résurrection. Pas de croix, pas de résurrection. Nous le rappelons avec le repas du Seigneur : « Vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ! » Ce n’était pas une mort pour rire ; ce n’était pas une sédation profonde, comme on dit maintenant. Le pain partagé représente le corps brisé de Jésus ; le vin dans la coupe représente son sang versé. Dans le récit de la Pâque (Ex 12), il est bien écrit que l’agneau sera immolé. Immolé ! Dans notre passage de Romains 6, il y a 11 fois la mention de la mort en 11 versets !
Pourquoi cela ? Les Réformateurs l’ont bien rappelé : c’est à cause de la gravité du péché et de ses conséquences. Ce fut le grand débat, au XVIème siècle, entre Erasme et Luther. Dans son Traité du libre arbitre, Erasme dit que l’homme est pécheur, mais qu’il a la capacité de faire le bien, par l’éducation, les efforts, la pratique religieuse… Dans son Traité du serf arbitre, Luther répond que si l’homme est pécheur, aucun bien ne peut être produit sans sa vie, aucun : même ses vertus sont corrompues et ne sauraient être agréées par Dieu. Aucun marchandage n’est possible : à la radicalité du mal doit correspondre un remède radical, une mort. C’est ainsi que Luther – mais il ne fait que suivre Paul – parle de la liberté chrétienne : celui qui est mort est enfin libre du péché ! Il ne pèche plus !
En fait, c’est le seul remède. Souvenez-vous du cri de Paul : « Misérable que je suis ! Qui me délivrera ? » (Ro 7.24 ; cf. 7.1ss).
Si le péché n’est qu’une tâche sur la peau, il suffit de frotter avec un bon produit ou de la masquer avec un peu de poudre. Beaucoup font cela. Mais si le péché atteint le coeur jusqu’au fond, comment faire ? Faire semblant ? Faire des efforts ? Il faut bien un jour renoncer à tout cela. Il faut littéralement désespérer de tout cela. C’est la dynamique des Réveils qui doit commencer par chacun de nous. L’évangéliste Roy Hession le dit ainsi : « Beaucoup croient que le Réveil, c’est la plafond qui s’envole ; mais le Réveil, c’est le plancher qui s’effondre ! » Nous l’avons vécu quand nous avons reconnu en Jésus notre Sauveur ! Quand nous avons désespéré d’y arriver tout seuls.
Parler de mourir paraît bien funeste à quelqu’un qui va bien… Mais pour quelqu’un qui se débat ou qui souffre profondément, c’est une délivrance. Les personnes qui accompagnent les détenus dans les prisons le disent : si un jour l’épouse d’un prisonnier trouve son mari étonnammement serein, il faut qu’elle s’en alarme : soit il a décidé de s’évader, soit il a décidé de mettre fin à ses jours. Dans les deux cas, c’est une délivrance.
Il est juste de dire que Jésus est mort pour nous, mais ce n’est pas suffisant. Il faut ajouter que Jésus est également mort pour nous permettre de mourir avec lui. C’est la condition pour vivre une vie nouvelle avec lui.
- Une même plante
Paul le dit ainsi : « Si nous sommes devenus une même plante avec lui dans sa mort, nous le serons aussi dans sa résurrection ». Une même plante, c’est incroyable ! Mais Jésus l’a dit, déà : « Je suis le cep, vous êtes les sarments ». En un sens, c’est un mystère bien-sûr. Mais c’est aussi une réalité. Tout chrétien véritable est déjà devenu une même plante avec Jésus, dans sa mort et sa résurrection. C’est ce que signifie l’expression « en Christ », si souvent présente dans le Nouveau-Testament.
C’est cette union avec Christ que Paul appelle un baptême (mais il ne s’agit pas du baptême d’eau) et qui rend possible cette expression : une même plante ; et aussi cette autre phrase de Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, mais Christ en moi« .
Si un chrétien demande : – Comment être uni à Christ ? on peut lui répondre : Pour toi, c’est déjà fait ! Il suffit que tu demeures en Lui, maintenant.
– Mais comment demeurer en Lui ? En gardant sa Parole dans ton coeur et en regardant comme mort et enseveli tout ce qu’il ne peut pas approuver ! Alors, tu porteras beaucoup de fruit, et ce que tu demanderas à Dieu, il te l’accordera car tu demanderas exactement ce qu’il veut, et plus rien d’autre !
Et si quelqu’un demande : – N’y a-t-il pas un moyen pour marcher en nouveauté de vie sans passer par une mort ? La réponse est assurément : Non ! C’est tout-à-fait impossible. En réalité, seule la mort délivre, rompt les chaînes. Et seul celui qui est délivré peut « marcher comme Christ a marché » (1 Jn 2.6).
Ecoutons ce que dit Paul : « Nous qui sommes morts avec Christ, en ce qui concerne le péché, comment vivrions-nous encore dans le péché ? Nous avons été ensevelis avec lui en étant unis à sa mort, afin que comme Christ est ressuscité des morts pour la gloire du Père, de même, nous marchions aussi en nouveauté de vie ».
Quelques uns pensent peut-être que c’est bien difficile ! En réalité, ce n’est pas difficile, c’est IMPOSSIBLE… par nos seules forces. Mais étant uni avec lui, c’est possible – et nous avons déjà commencé à le vivre.
- Nouveauté de vie
Si un chrétien est égoïste ou orgueilleux, va-il maintenant éduquer son égoïsme ou son orgueil, les camoufler, les maquiller ? Cela ferait de lui un hypocrite ! Cet égoïsme, cet orgueil peuvent-ils porter un seul bon fruit ? Ils doivent plutôt être coupés comme on coupe des sarments stériles, sans regrets. Alors, la place sera faite pour l’humilité et l’amour de Christ, produits par le St Esprit ! Que dit Jésus dans la parabole du cep et des sarments : « Tout sarment qui ne porte pas de fruit, il le coupe, il le jette au feu et il brûle. Si vous demeurez en moi, vous porterez beaucoup de fruit ». Mais demeurer « en Christ » suppose de passer par la croix avec lui !
L’apôtre Pierre espérait bien suivre le Seigneur sans passer par la croix. Cela l’a conduit à renier son Sauveur à trois reprises. Quand, se rendant compte de cela, il a pleuré amèrement, quelque chose de lui est mort au dedans de lui. Alors il a commencé à devenir un serviteur du Seigneur.
La nouveauté de vie dont parle Paul est tout autre chose qu’une vie vaguement améliorée. C’est une vie nouvelle qui ne vient pas de moi. C’est la vie de Christ en moi. Certains doutent que ce soit possible… C’est la parabole du cep et des sarments, tout simplement. En un sens, il n’y a rien à faire qu’à demeurer attachés : pas juste à côté ; pas tout proche ; attachés, unis au Seigneur Jésus !
Je voudrais l’illustrer avec un exemple, celui du mariage. En général, celui ou celle qui se marie est heureux. C’est normal ! Mais celui ou celle qui se marie, dès cet instant, est prêt à mourir pour son conjoint ! En un sens, c’est fou ! Mais c’est la condition de l’amour selon Dieu, cet amour qui va se traduire par l’esprit de service, de soumission, du don de soi. Mais pour se marier, il faut d’abord ‘quitter’. Quitter, c’est mourir.
Dans son Traité de la liberté chrétienne, Luther écrit : « Le chrétien est un libre seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout un chacun ». Pour vivre cela, il faut être passé par une mort, sinon les chaînes sont toujours là qui nous entravent.
Demander à Abram de quitter son pays, sa famille, c’était lui demander de mourir, en un sens. Demander à Abraham d’offrir son fils unique, l’enfant de la promesse, c’était encore lui demander de mourir. La naissance de Jésus, c’était déjà mourir pour lui, car il fallait quitter la gloire céleste et prendre la place des pécheurs ! Quand, à Gethsémané, Jésus dit : « Que ta volonté soit faite et non la mienne », c’était déjà mourir, avant la croix !
Il en est ainsi de l’amour véritable : il demande d’être prêt à mourir. Sinon, c’est faire semblant. « Nous avons connu l’amour en ce qu’il a donné sa voie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères ! » (1 Jn 3.16).
Peut-être nous rendons-nous compte, en entendant cela, que l’amour véritable est beaucoup plus rare qu’on le croit. Peut-être nous rendons-nous compte que l’amour comme la Bible en parle n’est pas réellement possible sans la foi et sans l’espérance, comme le dit Paul (1 Co 13.13). Et si l’amour manque…, quelle valeur a tout le reste ? Aucune, à vrai dire.
Il se peut que l’apprentissage passe par des moments de découragement extrême, de désespoir, d’abattement, de perte, de renoncement, de défaillance, d’épreuves redoutables. Mais quels beaux fruits après ! Quelle clarté après ! Quelle joie ! « Vous aurez en vous ma joie parfaite », dit Jésus. Même au milieu des larmes.
Je termine avec une question : Savez-vous quelle est la meilleure façon de l’expliquer ? C’est de le vivre, bien-sûr !
Ch. Nicolas
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Annexes
Etre chrétien : d’abord une position
- « Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ » (6.11). Nous le savons : être chrétien, c’est d’abord une position avant d’être une marche. C’est comme le mariage. Il y aura des tentations, des combats (« Vous n’avez pas résisté jusqu’au sang contre le péché » – Hé 12.4). « Regardez-vous comme morts ! « Celui qui est mort est libre : il n’est plus tenté, il n’a plus peur, il n’a plus mal, il ne pêche plus. Comment ? Par la croix qui est aussi la croix où je meurs moi-même avec mon Sauveur. « Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d’autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde ! « (Ga 6.14).
Seul celui qui est libre peut dire oui à Dieu chaque fois qu’il le faut. Dire non au Diable et au péché qui déshonore Dieu. Dire oui au Seigneur tous les jours : « Que ta volonté soit faite et non la mienne ! ». Cette phrase – qui est une prière, d’ailleurs – montre qu’il n’y a pas de compromis entre la volonté de Dieu et la nôtre : c’est l’une ou l’autre ! C’est cela « la prédication de la croix ». C’est cela aussi la prédication du Royaume de Dieu.
- Empêcher le retour en arrière. Une des caractéristiques de la mort, c’est le non retour en arrière, c’est le jamais plus qui nécessite ce qu’on appelle un « travail de deuil ». Si quelque chose dans ma vie contredit de manière durable mon témoignage de chrétien, je prouverai mon amour pour le Seigneur en démontrant mon désir de rompre définitivement avec cette chose. Si la prière ne suffit pas, il est bien de trouver un frère ou une soeur sage, de confesser cette chose et de prier à ce sujet avec ce frère ou cette soeur. Cette démarche s’accompagnera, s’il le faut, d’une résolution qui démontre le renoncement. Dans le livre des Actes, nous lisons que « un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde : on en estima la valeur à cinquante mille pièces d’argent » (Ac 19.19). Brûler publiquement ces livres, c’était mettre fin aux tergiversations, aux compromis, aux défaites. C’était mettre à mort « la chair et ses passions ». « Ceux qui sont à Jésus Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs » dit Paul (Ga 5.24).
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« L’aboutissement d’une autorité accompagnée d’amour, ici-bas sur la terre, c’est une croix. Chaque jour nous retrouvons la même réalité, que ce soit dans notre vie conjugale, ou parentale, ou pastorale : reprendre le chemin de la Croix » P. Courthial
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« La mort de la mort par la mort à la croix ».
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L’arrière-plan du discours de Luther sur la liberté
«J’étais prisonnier du diable, Perdu dans la mort.
Le péché, dans lequel je suis né, Me torturait nuit et jour.
Je m’enfonçais de plus en plus. Il n’y avait rien de bon dans ma vie
Le péché avait pris possession de moi».
Voilà comment, dans un cantique célèbre, chanté jusqu’à nos jours (Nun freut euch, lieben Christen g’mein), Luther expose l’état de l’homme avant sa libération par le Christ et la foi en Christ. On a souvent évoqué cet arrière-plan de l’affirmation de la liberté chrétienne, souligné d’ailleurs par tous les réformateurs.
Il faut évoquer deux autres puissances qui, selon le réformateur, pèsent sur la vie humaine: la colère de Dieu et la loi. Tel est donc l’arrière-plan du discours de Luther sur la liberté du chrétien: c’est l’esclavage de l’homme, asservi aux puissances maléfiques et ployant sous le poids de son péché.
Luther est d’avis, et c’est ce qui l’oppose à la théologie du Moyen Age finissant, que l’homme ne peut pas contribuer à la grâce permettant de se dégager de ces puissances oppressantes et de leur impact sur l’homme. En ce qui concerne Dieu et le salut, l’homme n’est pas libre, il ne peut se mettre en route vers Dieu ni coopérer à son salut. Il n’est pas en état de se libérer lui-même de son esclavage. Il a besoin d’un Sauveur. La liberté ne peut être qu’un don. «Elle est grâce et non pas nature».
Sous cet angle, Luther a pu écrire, notamment dans le traité Du serf arbitre de 1525, que la liberté est, d’abord et exclusivement, un attribut de Dieu.
«Le libre arbitre [la liberté] est un attribut divin et ne peut convenir qu’à la majesté divine. Celle-ci, en effet, comme le chante le psalmiste, peut faire et fait tout ce qu’elle veut au ciel et sur la terre. Attribuer [le libre arbitre] aux hommes, ce serait leur attribuer la divinité, c’est-à-dire proférer le plus grand blasphème que l’on puisse concevoir».
Après avoir dit comment la liberté ne pouvait pas être acquise, Luther décrit de manière positive ce qui libère l’âme : «L’âme n’a, ni au ciel ni sur la terre, rien par quoi elle puisse vivre de manière juste, libre et chrétienne, si ce n’est le saint Évangile, la Parole de Dieu, prêchée au sujet du Christ. […] Nous devons donc être certains que l’âme peut se passer de toute chose, sauf de la Parole de Dieu et que, sans la Parole de Dieu, rien ne peut lui être d’aucun secours.»14 «A l’exclusion des œuvres, c’est la foi seule qui peut accueillir et honorer la Parole de Dieu. Il est donc évident que l’âme n’a besoin que de la seule Parole pour accéder à la vie et à la justice et qu’ainsi elle est justifiée par la foi seule et non par des œuvres.»
Pour décrire cette présence salutaire et libératrice du Christ, Luther a recours au thème classique du mariage. D’Ephésiens 5.30 à la mystique bernardine du XIIe siècle, on a bien souvent décrit les relations entre l’âme et le Christ par l’image du mariage. Luther ne parle pas de ce mariage en termes fusionnels ou sentimentaux, mais pour montrer qu’il y a entre l’âme et le Christ, comme dans le mariage, un échange, un «joyeux échange», dira-t-il.
«Christ est plénitude de grâce, de vie et de salut : l’âme ne possède que ses péchés, la mort et la condamnation. Qu’intervienne la foi, et voici, Christ prend à lui les péchés, la mort et l’enfer; à l’âme, en revanche [sont donnés] la grâce, la vie et le salut. Car il faut bien que le Christ, s’il est l’époux, accepte tout ce qui appartient à l’épouse et, tout à la fois, qu’il fasse part à l’épouse de tout ce qu’il possède lui-même».
Marc Lienhard. Luther et la liberté chrétienne. La Revue réformée n° 244 – oct. 2007
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« Pour que nous puissions bien connaître ce qu’est un chrétien et savoir ce qu’il en est de la liberté que le Christ lui a acquise et donnée et dont saint Paul parle abondamment, je veux poser ces deux thèses: Le chrétien est un libre seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout un chacun » M. Luther.
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[1] Cela nous montre la différence entre la foi et l’espérance. L’espérance permet d’attendre le repos promis. La foi permet d’entrer dans ce repos maintenant. Nous annonçons les deux quand nous prenons le repas du Seigneur.
[2] Paul le dit ainsi : « Timothée mon enfant, fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ » (1 Tm 2.1). Se fortifier dans la grâce, c’est être établi dans le repos de Dieu, quoi qu’il arrive. L’expression « mon enfant » dit déjà cela ! (Ps 131)
[3] Remarquez qu’on peut dire exactement la même chose avec la foi. Nous, Protestants, nous devrions comprendre ce que sont les oeuvres de la foi et ce que sont les oeuvres sans la foi. Dans les deux cas, il y a les oeuvres ! Certains diront : Une oeuvre, c’est une oeuvre ! Du pain, c’est du pain ! Humainement parlant, oui. Mais la Bible dit que les oeuvres sans la foi sont mortes. Tandis que les oeuvres de la foi glorifient Dieu, comme un fruit. Ce n’est pas pareil ! C’est comme les cantiques : on peut les chanter dans la foi et on peut les chanter parce qu’ils nous rappellent notre enfance. Qui verra la différence ? Dieu la voit ! Elle est énorme. La foi, l’espérance et l’amour vont ensemble. Un jour, il n’y aura plus que l’amour. Mais aujourd’hui, ils sont inséparables.
[4] Quand Jésus dit à ses disciples : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13.34), il ne demande pas seulement de suivre son exemple ; il dit d’aimer de l’amour qu’on a reçu de Lui. C’est le même !
[5] C’est par exemple ce que dit Jacques : « Je te montrerai ma foi par mes oeuvres » (2.18).
[6] Le chapitre 22 de Genèse montre bien comment l’espérance conditionne la marche par la foi. Abraham est âgé, sa femme est stérile, mais ils ont eu un enfant, Isaac, comme Dieu l’avait dit. C’est par lui que la promesse d’une postérité va s’accomplir. Un jour, Dieu dit à Abraham : « Prends ton enfant que tu aimes, va sur la montagne et offre-le en holocauste. Abraham se leva de bon matin, scella son âne, pris son fils et s’en alla » (22.2-3). Ce dernier verset démontre la foi – on pourrait dire : la marche chrétienne. Et Dieu bénira Abraham à cause de cette foi. Lire Hébreux 11.17-19. Le philosophe Soren Kierkegaard a écrit tout un livre sur cette marche d’Abraham montant sur la montagne avec son fils, son âne, le bois, le feu et le couteau pour le sacrifice. Chaque pas était un pas de foi. Mais qu’est-ce qui a permis à cette foi de demeurer jusqu’au bout ? L’ordre que Dieu avait donné, et sa promesse. L’ordre a nourri la foi, la promesse a nourri l’espérance que ce que Dieu avait promis s’accomplirait de manière certaine – quand bien même l’évidence criait le contraire !
[7] Ce n’est pas parce que des terroristes de la religion musulmane vivent mal ces choses que nous ne devons pas en parler pour nous. L’espérance chrétienne est ce qui permet de vivre le martyr, si Dieu le veut.
[8] Pratiquement chaque strophe des cantiques d’autrefois mentionnait les jours d’épreuve, de tempête, d’adversité…
[9] Quand il fallait faire une piqure à un de nos enfants, mon épouse ne disait pas : Cela ne fait pas mal. Elle disait : Cela fait un peu mal, et ça passe très vite. Ainsi, les enfants savaient qu’elle ne mentait jamais.
[10] « Il fait la plaie, et il la bande ; il blesse, et sa main guérit » (Jb 5.18).
[11] Pas celle de la loi sur l’avortement. L’autre Simone Veil (1909-1943) est une philosophe. Elle a écrit notamment La pesanteur et la grâce.
[12] « Si nous demandons une chose selon Sa volonté, dit Jean, nous savons qu’il nous écoute, et s’il nous écoute, nous savons que nous avons ce que nous avons demandé » (1 Jn 5.14-15). Cela implique de demander ce que Dieu veut. « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe… Toutefois, que ma volonté ne s’accomplisse pas, mais la tienne » (Mt 26.39). Cela implique d’écouter quand on prie…
[13] Dans les Béatitudes, le présent et le futur sont en quelque sorte confondus. « Ils seront consolés », c’est un futur qui commence maintenant !
[14] « Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Eternel » (Lament. 3.26).
[15] Dans ce sens, Calvin écrit que « la connaissance de Dieu est une vive expérience ! ».
[16] Voir aussi Ro 5.1-5 ; Col 1.4-5 ; 1 Th 1.3 ; 5.8 ; 1 Pi 1.21-22
[17] Les quatre, si on compte la vérité de l’Evangile.
[18] Cf. Ac 4.34 ; Ro 12.13 ; 15.25 ; Hé 6.10 ; 1 Jn 4.21-5.1.
[19] On lit dans l’Apocalypse : « … jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service « (6.11).
[20] « Je rends grâce à Dieu au sujet de vous tous, de ce que votre foi est renommée… « (Ro 1.8).
[21] Cf. « Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9.5).
[22] « … pour amener à l’obéissance de la foi tous les païens » (Ro 1.5) = tous les élus parmi les païens.
[23] Quand le Pape s’exprime urbi et orbi (à la ville et au monde), il encourage cette confusion.