AVEZ-VOUS UN AMOUR ARDENT ?
Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres.
À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres
Jean 13.34, 35
La fin de toutes choses est proche. Soyez donc sages et sobres, pour vaquer à la prière. Avant tout, ayez les uns pour les autres une ardente charité, car La charité couvre une multitude de péchés. Exercez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmures. Comme de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu, que chacun de vous mette au service des autres le don qu’il a reçu
1 Pierre 4.7-10
Je voudrais inviter chacun de vous à imaginer son coeur comme une coupe – grande ou petite, peu importe – que Dieu veut remplir jusqu’à ce qu’elle déborde.
Cf. Tu oins d’huile ma tête et ma coupe déborde (Ps 23.5).
Je voudrais aussi inviter chacun à imaginer l’église comme une coupe – grande ou petite, peu importe – que Dieu veut remplir jusqu’à ce qu’elle déborde.
Cf. Qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble. C’est comme l’huile précieuse qui, répandue sur la tête, descend sur les bords des vêtements (Ps 133).
Les églises sont souvent tentées de s’organiser comme de sympathiques associations cultuelles, avec des réunions et des activités… Mais un chrétien ou une église peuvent avoir beaucoup d’activités et peu de vie !
La vie chrétienne, c’est la vie de Christ dans le coeur du chrétien !
La vie de l’église, c’est la vie de Christ au coeur de l’église.
Dans ce passage lu il y a un instant, il n’y a pas le verbe faire, mais le verbe avoir :
Avant toute choses, AYEZ les uns pour les autres un amour fraternel ardent.
De même, Pierre écrit : Si ces choses SONT EN VOUS, elles ne vous laisseront pas oisifs (2 Pi 1.8).
Et encore: SI JE N’AI PAS l’Amour, tout cela est en vain ! (1 Co 13.2).
Avant tout, ayez les uns pour les autres un amour ardent[1] (1 Pi 4.8).
Le contexte immédiat de ce verset nous donne des indications utiles que je vais essayer de souligner. Je retiendrai 3 points : l’amour fraternel, la sainteté de vie et l’unité spirituelle.
- L‘Amour fraternel n’est pas un amour sentimental !
Est-ce que l’Amour de Christ pour ses disciples est un amour sentimental ?
Est-ce que notre amour pour le Seigneur est un amour sentimental ?
Alors l’Amour qui existe entre nous ne doit pas l’être non plus[2].
En réalité, c’est le même !
L’Amour que nous sommes appelés à mettre en oeuvre entre nous, c’est l’Amour de Christ pour chacun de nous. C’est le même. C’est celui-là ! Sinon, nous sommes dans une imitation, mais pas dans l’expérience chrétienne véritable. C’est ce que dit Jésus à ses disciples, quand il leur demande de s’aimer les uns les autres de l’amour dont il les a aimés (Jn 13.34, 35).
Au risque de troubler, je crois pouvoir affirmer que cet Amour-là concerne les chrétiens et eux seuls, c’est-à-dire ceux qui l’ont reçu, ceux qui l’ont connu. C’est un Amour spécifiquement chrétien. Nous, nous avons connu l’Amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru (1 Jn 4.16). L’expression les uns les autres le dit aussi clairement, désignant la communauté des disciples[3]. Si cet Amour doit toucher aussi les autres, c’est par débordement. Mais il n’y aura pas de débordement si nous ne le vivons pas d’abord et suffisamment (c’est-à-dire concrètement, sans défaillance grave) au sein de la communauté chrétienne.
Frères et soeurs, ceux qui ne connaissent pas le Seigneur vivent aussi des moments sympathiques entre eux. Et même de grands dévouements : il y a des non-chrétiens qui sont patients, dévoués, gentils, zélés, attentionnés, joyeux, disponibles, généreux, intelligents, efficaces, etc. Est-ce que cela fait d’eux des chrétiens ?
Pas du tout ! Quelques-uns pensent peut-être que je vais un peu loin. Mais Paul, dans ce même sens, va plus loin encore, puisqu’il dit : Je pourrais donner tous mes biens pour les pauvres, et même mon corps pour être brûlé (1 Co 13.3), SANS AMOUR. Cela nous force à réfléchir, n’est-ce pas ?
Jésus n’a pas appelé des gens gentils pour leur dire : « Soyez encore un peu plus gentils » !
Il appelle des hommes et des femmes sans Amour, il brise leur coeur, et il verse en eux son Amour par le Saint Esprit. C’est cela l’expérience chrétienne.
L’Amour fraternel n’est pas un amour sentimental.
L’Amour fraternel, c’est l’Amour de Christ, au travers de ceux/celles qui lui appartiennent.
L’Amour fraternel, c’est l’Amour pour Christ, au travers de ceux/celles qui lui appartiennent.
Cet Amour-là, très spécifique, est indissociable de la Foi et de l’Espérance, comme le dit 1 Co 13[4].
Cet Amour-là est aussi indissociable de deux autres caractères spécifiquement chrétiens que je vois dans notre passage : la sainteté de vie et l’unité spirituelle. C’est un tout. Le lien, c’est l’Esprit saint.
- La sainteté de vie
La sainteté du peuple de Dieu comprend deux dimensions qu’il ne faut pas séparer :
l’appartenance à Dieu et la séparation du mal.
Le v. 5 du Psaume 23 (Tu oins d’huile ma tête) est introduit par le premier verset : L’Eternel est mon Berger (l’appartenance), avec ceux qui suivent : Il me conduit, il me dirige (la conduite).
Dans le passage de Pierre, je vois la dimension de la sainteté au verset 7 : La fin de toutes choses est proche. Soyez donc sages et sobres pour vous attacher à la prière.
La fin de toutes choses est proche, cela signifie que ce n’est plus le moment d’être léger, de s’amuser à des futilités, de remettre à plus tard. La fin, c’est le but (télos), l’aboutissement. Si l’on vous dit que le train arrive dans 5 minutes, vous n’allez pas vous endormir ! Si on vous disait ce matin qu’il vous reste une semaine à vivre, ne mettriez-vous pas de l’ordre dans votre vie, dans vos projets, dans vos priorités ?
Frères et soeurs, ne laissons pas les sectes et une poignée de chrétiens parler des temps de la fin, car bibliquement, nous sommes dans les temps de la fin, et le savoir, c’est ce qui nous enseigne à vivre comme des chrétiens !
En effet, Pierre dit : Soyez donc sages et sobres. Le mot ‘donc’ établit un lien avec ce qui précède. Se situer dans la perspective du Royaume de Dieu, qui est à la porte, implique un changement de valeurs, de priorités, de mode de vie, de rapports aux choses. Pierre dit cela avec ces deux mots: Sages et sobres. On pourrait dire : « Contents de peu car déjà comblés ! » (Ps 23.1, 5). Capable de se priver s’il le faut, capable de renoncer sans perdre sa joie. Jamais dans l’excès. La prière s’accommode mal de l’activisme ou d’un attachement excessif aux choses de ce monde. Quand on est débordé, on est rarement débordant.
Le professeur Henri Joyeux (Fac. Médecine de Montpellier) : « Il y a trop de Nutella sur les tartines de nos enfants ». Et il dit encore « Cela a une incidence sur la santé physique… et spirituelle ! »
Remarquez que Pierre ne dit pas d’être sobre avec le péché ! Ce qui est mauvais, en effet, devrait être rejeté, exclu. Qu’on n’entende parmi vous aucune mauvaise parole ! Fuyez l’impudicité.
Ce qu’il dit, c’est d’être sobre avec ce qui est bon, pour pouvoir recevoir ce qui est meilleur ! Et ce qui est meilleur, c’est l’Amour de Christ versé dans nos coeurs par le Saint-Esprit.
Remarquez ce que dit Pierre : Soyez donc sages et sobres pour vous attacher à la prière. Le mot ‘pour’ indique encore un lien et annonce un objectif : entretenir avec le Seigneur une relation plus étroite, être en mesure d’entendre ce qu’il me dit, de recevoir ce qu’il me donne.
Dans ce contexte, je vois la prière comme le lien qui relie le sarment et le cep. Vous voyez ? On pourrait dire : la communion avec Dieu qui est la condition de la communion fraternelle.
C’est pourquoi, Pierre écrit juste après : Avant tout, ayez les uns pour les autres un Amour ardent. C’est impossible sans Dieu.
- L’unité spirituelle
L’Amour fraternel est précédé par la sainteté ; il est orienté vers l’unité spirituelle (l’édification).
L’unité spirituelle, je la vois dans le verset qui suit : Que chacun mette au service des autres le don qu’il a reçu. C’est la réalité dans un corps de la tête avec les membres (1 Co 12.27). Tout cela est aussi très spécifique et appartient en propre à l’expérience chrétienne.
Frères et soeurs, une coupe fissurée aura beaucoup de mal à déborder.
Cela implique, bien sûr, l’usage du pardon, de la réconciliation au milieu de nous. Le pardon demandé, le pardon reçu. Notre texte le dit : Car l’Amour couvre une multitude de péchés [5]. Pierre s’adresse à des chrétiens !
Vous voyez, ce n’est pas parce qu’on est assis ensemble et qu’on chante des cantiques que l’on vit l’unité spirituelle qui correspond à notre vocation. Est-ce que Jésus a fait de moi un serviteur, une servante ? Cela ne va pas de soi. Un serviteur ou une servante qui est aussi servi(e) par d’autres ─ cela non plus ne va pas de soi, car souvent, dans les églises, il y a ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, ceux qui parlent et ceux qui écoutent, ceux qui portent et ceux qui sont portés… et on s’habitue à ce que ce soit ainsi. Mais ce n’est pas juste. Dans l’ordre de la grâce, nous avons tous besoin les uns des autres, tous, et Dieu va accorder son secours, son soutien, son conseil, son Amour par les dons distribués à chacun en particulier, comme il veut ! (1 Co 12.11), pour l’utilité commune (12.7). L’utilité commune, c’est l’édification du corps.
Ce corps qu’est l’Eglise vivante, c’est normalement Dieu qui le tisse, comme il m’a tissé dans le sein de ma mère. Et pour cela, aucun ne doit être exclu. Car Dieu peut bien, s’il le veut, utiliser le plus petit pour apporter ce qui est nécessaire au plus fort. C’est la dimension de la soumission mutuelle (Ep 5.21) : C’est recevoir ce qui vient du Seigneur, au travers de l’un ou de l’autre, sans user de préférence envers les uns ou les autres.
Et ainsi, c’est Christ qui est agissant au milieu de son peuple, au travers de son peuple.
En réalité, c’est cela, l’Amour fraternel ! Avant tout, ayez les uns pour les autres un Amour ardent.
Quand j’aime mon frère ou ma soeur en Christ, C’est Christ que j’aime au travers de lui (ou d’elle), et c’est Christ qui l’aime, au travers de moi. C’est grand !
Si nous nous aimons ainsi, frères et soeurs, les autres le verront, notamment ceux et celles qui ont soif, que Dieu appellera et qui s’approcheront de Lui pour recevoir à leur tour. Et ce sera son oeuvre.
Charles Nicolas
_______________________________________________________________
[1] Le mot grec traduit par ardent pourrait aussi être traduit par actif ou tendu (comme un arc est tendu).
[2] Noter que l’amour au sein du couple (image de Christ et l’Eglise) ne l’est pas non plus, en tout cas pas principalement.
[3] Précisons que la communauté chrétienne, c’est d’abord mon église locale, mais pas elle seulement, ni ma dénomination seulement, bien-entendu. Sinon, ça pourrait bien être sentimental…
[4] Voir Ro 5.1-5 ; Col 1.4-5 ; 1 Th 1.3 ; 5.8 ; 1 Pi 1.21-22
[5] Noter que la miséricorde ne signifie pas qu’on accepte tout et n’importe quoi. Elle signifie qu’on pardonne toujours à celui qui vient demander pardon. Cf. Mt 18.21.