PRIER, OUI MAIS…
Au sein des sujets qui m’ont été proposés, il y avait en 2017, la question : « Peut-on prier avec les musulmans ? » Pour y apporter une réponse valable, il faudrait avoir bien compris la question ? Et je ne suis pas certain de l’avoir comprise.. S’il s’agit de prier pour eux en leur présence, bien sûr que l’on peut. C’est à ne pas rater si l’occasion nous en est donnée ! Mais si c’est vouloir s’unir comme en une prière commune, ce serait un mélange contre nature, car nous ne prions pas le même Dieu. L’islam a emprunté bien des choses au judaïsme et au christianisme mais il en a nié les fondements. Il fait reposer un salut hypothétique sur des œuvres ; il ne reconnaît en Jésus qu’un prophète et il a pratiquement divinisé son prophète. Je n’ajouterai que cette parole de notre Seigneur : On reconnaît l’arbre à son fruit.
Mais il m’a semblé utile de retenir le sujet de la prière au sens le plus large. Pour une raison simple : nous en connaissons la nécessité ; nous en usons, mais cela ne nous empêche pas de nous oser bien des questions à son sujet..
Prier… oui, bien sûr ! Mais quand on traverse une épreuve qui n’en finit plus et nous en ôte jusqu’à la force ? Prier, oui… mais quand on le fait depuis longtemps sans voir le moindre exaucement ? Prier, certes, mais combien de fois, combien de temps ?
Peut-être même : prier, oui mais comment ?
Je vous invite d’abord à entendre la manière dont la prière des enfants de Dieu est dénommée au chapitre 5 du livre de l’Apocalypse. Il s’agit d’une vision que l’apôtre Jean eut d’une scène céleste (Verset 8) ;
Quand l’Agneau eut pris le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l’Agneau tenant chacun une harpe et des coupes d’or remplies de parfums qui sont les prières des saints.
Sans doute n’ai-je nul besoin de vous rappeler que le mot saint, dans le texte sacré, désigne, sans distinction, tous ceux qui, par la foi, sont devenus enfants de Dieu. Les saints, malgré nos imperfections, c’est vous, c’est moi. Nos prières sont donc,pour Dieu, comme un parfum. Nous n’en sommes probablement pas surpris car nous l’avons entendu dire des prières de louange, d’adoration ou d’actions de grâces. Mais je fus plutôt étonné lorsque je découvris, il y a bien longtemps déjà, que le mot original (proseuchè) traduit ici ‘prières’ est le plus générique de tous les termes qui se rapportent aux diverses formes de démarche auprès de Dieu. Il les inclut toutes, la demande, l’intercession, l’invocation, la supplication aussi bien que l’adoration ou la louange. Toutes nos démarches jusqu’à lui sont comme l’encens à ses yeux. Il me semble difficile d’en dire mieux l’importance.
Vous l’avez remarqué, je n’ai pas mentionné les litanies. S’il est une chose éloignée de la prière authentique, ce sont bien les formules de prière surtout lorsqu’elles sont regardées comme ayant en soi une quelconque valeur. On y est plus près de la magie que de la piété ! Je ne sais si cela se fait encore, mais quand un prêtre imposait pour pénitence la récitation un certain nombre de fois du Notre Père ou de l’ave Maria, il serait insensé de penser que Dieu ait pu y prendre plaisir. Jésus, précisément avant de donner le fameux Notre Père comme exemple, nous en avait avertis (Matthieu 6.7 :
En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.
Mais toute prière authentique, cri du cœur, appel au secours, toute volonté de communion et d’écoute de la voix de Dieu est parfum, je le redis… En fait, non ! En réalité, elle ne peut être entendue, accueillie que si elle émane d’un cœur purifié. C’est-à-dire, si un péché non confessé, une faute non réglée ne vient pas y faire obstacle. Écoutons ce que le psalmiste disait (66.11-20) :
Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu, et je raconterai ce qu’il a fait à mon âme. J’ai crié à lui de ma bouche et la louange a été sur ma langue. Si j’avais conçu l’iniquité dans mon cœur, le Seigneur ne m’aurait pas exaucé. L’auteur du psaume s’était mis en règle. Il peut donc ajouter : Mais Dieu m’a exaucé ; il a été attentif à la voix de ma prière. Béni soit Dieu qui n’a pas rejeté ma prière et qui ne m’a pas retiré sa bonté.
Dieu peut-Il ne pas entendre ? Non sans doute, mais il peut ne point écouter. Et c’est aussi ce qu’il disait par le prophète Ésaïe (59.1,2) :
Non, la main de l’Éternel n’est pas trop courte pour sauver, ni son oreille trop dure pour entendre. Mais ce sont vos crimes qui mettent une séparation entre vous et votre Dieu, ce sont vos péchés qui vous cachent sa face et l’empêchent de vous écouter.
Quelle que soit la gravité de nos manquements, ceux-ci doivent être apportés au Seigneur aussitôt que nous en prenons conscience si nous ne voulons pas qu’une sorte d’écran vienne nous couper de Dieu.
Bien sûr, nous n’avons probablement pas commis une faute aussi grave que celle de David, mais toute prière devrait prendre pour modèle sa prière du psaume 51 (versets 3-5) :
Ô Dieu ! aie pitié de moi dans ta bonté ; selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions ; lave-moi complètement de mon iniquité et purifie-moi de mon péché. Car je reconnais mes transgressions, et mon péché est constamment devant moi.
Si nous avons pris conscience de la totale sainteté de Dieu, aucune de nos fautes ne nous paraîtra trop insignifiante pour que nous ayons besoin d’en réclamer ainsi le pardon. Mais si nous l’avons fait, rien ne l’empêche de nous écouter.
J’aborderai ici une autre question : Si Dieu m’écoute parce qu’aucun péché ne fait barrière entre Lui et moi, puis-je être certain de l’exaucement ? C’est bien ce qu’écrit Jean dans sa première épître, Non ? (5.15) :
Si nous savons qu’il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée.
Cette parole est fantastique ! Seulement, j’aurais dû lire le verset précédent. Il nuance notre dangereux émerveillement. Écoutons-le :
Nous avons auprès de Lui cette assurance, que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute.
Il y a un SI ! Dieu ne saurait exaucer nos prières si elles ne correspondent pas à ses projets, à ses attentes.
Là vient la question qui a peut-être été plus d’une fois la vôtre : Comment savoir, surtout dans tel cas particulier, telle situation obscure, si ce que je souhaite et demande est conforme à la volonté de Dieu ? Si je vous dis : « On ne peut savoir ! », je vous étonnerai sans doute. Mais c’est ainsi dans bien des cas. L’apôtre Paul le confirme quand il écrit aux Romains (8.26-28) :
L’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.
Nous ne savons pas, c’est vrai. Dois-je demander la guérison de tel frère, de telle sœur atteinte d’une maladie incurable ou demander, pour lui ou elle, la grâce de vivre l’épreuve le cœur serein ? Dois-je lui demander l’argent nécessaire à un achat utile et avantageux ou la grâce de m’en passer puisque je n’en ai pas les moyens ? Je pourrais citer une multitude d’exemples.
Que je ne sache pas, mais que l’aide de l’Esprit me soit assuré fait de mes prières et de mes intercessions plutôt des moments de disponibilité à Dieu et à l’Esprit en moi. De fait, je n’aime pas parler des prières ou des intercessions, pas davantage de ‘moments’, car il s’agit plutôt d’une attitude, d’une disponibilité permanente. C’est cent fois, mille fois peut-être que, cette disponibilité s’extériorisera par quelques mots, quelques larmes, quelque soupir, quelque appel intérieur. Plus rapide qu’un sms, c’est une pensée, un regard intérieur vers Lui.
Bien sûr, il y a aussi l’invitation de Paul à dire nos besoins à Dieu avec les mots humains qui sont les nôtres. Aux Philippiens, il écrivait (4.6, 7) : Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ.
On pourrait penser qu’il suffit de les présenter une fois pour toutes dans une pleine confiance… Je dirais : « Peut-être ! ». Pourtant, vous l’avez entendu, Paul dit avec des prières, des supplications. N’est-ce pas en contradiction avec le verset de Matthieu 6 lu tout à l’heure et qui disait de ne pas multiplier les paroles ? Il y a bien sûr, une différence entre multiplier les mêmes paroles et multiplier les démarches de présentation des requêtes. Nous sommes invités à persévérer dans la prière. Je l’avoue, je m’interroge souvent lorsque je lis, en Luc 6.12, que Jésus s’étant rendu sur la montagne pour prier, passa toute la nuit à prier Dieu. C’était un moment spécial, c’est vrai, puisqu’il se préparait à appeler douze de ses disciples pour en faire les apôtres. Mais toute une nuit ― probablement aussi avec la nécessité de lutter contre le sommeil ! Ne s’est-il pas répété ? Ma liste de prière est longue et je ne saurais consacrer beaucoup de temps à chacun des sujets. Parfois, je l’interroge : « Seigneur, comment priais-tu ? Passais-tu chaque jour chacun de tes apôtres et de tes centaines de disciples en revue avec leurs divers besoins ? Si tu le faisais régulièrement, pouvais-tu ne pas te répéter ? Tu ne pouvais, de toute façon, présenter les besoins du monde entier ! »
Jésus nous a donné un autre exemple ; il me plaît de le rappeler. Avant de dire : Ta volonté, non la mienne, il avait pourtant exposé son désir par trois fois ; et Matthieu dit même ; avec les mêmes paroles. Il demanda la délivrance… comme Paul supplia trois fois d’être délivré de ce qu’il appelait son écharde dans la chair. À lui aussi, la réponse fut : non (2 Corinthiens 12.8).
Dieu sait ce dont nous avons besoin… alors pourquoi le lui dire ? Parce que c’est ainsi que nous prenons conscience de nos vrais besoins et qu’à la face des anges, nous disons notre confiance et notre abandon à Sa volonté. Et cela, NOTRE Seigneur l’attend de nous. Il nous a laissé la parabole du juge inique pour montrer qu’il faut toujours prier et ne point nous relâcher.
Il serait sans doute dommage de ne pas citer Jacques. Car, dans le premier chapitre de sa lettre, il établit une autre condition à la prière efficace. Il dit (1.5-8) :
Si quelqu’un manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. Mais qu’il la demande avec foi, sans douter, car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur. C’est un homme à l’âme double, inconstant dans toutes ses voies.
Notre prière doit être le fruit de la foi. Jacques rejoint, somme toute, Jean qui disait : nous savons que nous possédons la chose demandée (mais après un ‘si’, nous l’avons vu). Chez Jacques, il n’y pas d’autre condition mentionnée que la foi, mais parce que Jacques parle de demander la sagesse, une demande qui est toujours selon la volonté divine. Salomon la demanda et il fut exaucé car il ne la demandait pas pour lui-même mais pour le bien de son peuple. Et Dieu y avait ajouté le reste !
Il me semble que, en ce qui concerne la prière, nous sommes le plus souvent entre ce que nous savons que nous avons à demander parce que selon Dieu et le fait de ne pas savoir. Là vient la leçon, le modèle de notre Seigneur : Non pas ma volonté, mais la tienne.
Quand Jacques dit : sans douter, il parle du doute qui concernerait la capacité, pour Dieu, de répondre à toute prière légitime. Mais cela ne supprime pas le doute que nous pouvons éprouver quant à la pertinence de notre demande. Il y a des prières que Dieu écoute, mais qu’il n’exauce pas. Outre les exemples de Jésus et Paul, déjà mentionnés, je pense à Matthieu qui site le Seigneur (7.9-11) : Jésus, en effet, disait : un père ne donnera pas une pierre à son fils, s’il lui demande du pain, ni un serpent s’il lui demande un poisson pour affirmer ensuite : Si méchants comme vous êtes (par nature), vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père céleste donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.
La clé de bien des prières non exaucées est là. Si nous lui demandons un serpent au lieu d’un poisson ; si nous lui demandons de mauvaises choses au lieu de bonnes, il ne nous les donnera pas.
Ici, et pour clore, nous aborderons la question sans doute la plus douloureuse que nous puissions nous poser au sujet de la prière. N’il a-t-il pas de bonnes choses que nous demandons à Dieu, même en vue de son Royaume, et qu’il semble ne pas vouloir exaucer ? Des hommes de Dieu remarquables et fidèles ― si nous n’osons nous dire nous-mêmes fidèles ― n’ont-ils pas prié des années, voire des dizaines d’années durant sans jamais avoir reçu l’exaucement ?
Répondre qu’une chose, même bonne, peut ne pas être dans l’attente ou le projet de Dieu n’est certainement pas suffusant.. Il y a un dernier élément que je ne pouvais passer sous silence. Lorsque j’écrivis la brochure « Le Chemin de la Prière », ceux qui me l’avaient demandée, omirent le dernier chapitre. Avaient-ils raison ? Je commentais le dixième chapitre du livre de Daniel. Il y dépeint la vision d’un ‘homme’ éblouissant envoyé de Dieu en réponse à sa prière rapportée au chapitre précédent. Or, la dite réponse a mis 21 jours à lui parvenir.
Lisons-en juste quelques versets (12 à 14) :
…lorsqu’il m’eut parlé, je me tins debout et tout tremblant. Il me dit : Daniel, ne crains rien ; car dès le premier jour où tu as eu à cœur de comprendre et de t’humilier devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues, et c’est à cause de tes paroles que je viens. Le chef du Royaume de Perse m’a résisté vingt et un jour ; mais voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des rois de Perse. Je viens maintenant pour te faire connaître ce qui doit arriver à ton peuple… etc.
Un texte comme celui-là rend évident que ce qui se passe sur notre planète est en relation à des puissances célestes qui participent à un immense conflit cosmique mais de nature spirituelle. Doit-on s’étonner de la manière dont l’Iran, nom moderne de la Perse, est aujourd’hui l’un des dangers majeurs pour la paix de la planète et pour la liberté des chrétiens ?
Que nous le voulions ou non, nous sommes impliqués dans ce conflit et nos prières sont les armes, humaines mais spirituelles, que Dieu utilise au sein de ce conflit. Dieu, bien sûr, aura le dernier mot. Il est vrai que nous comprenons mal qu’un de ses envoyés ait pu être retardé dans sa mission par l’Adversaire. Il m’arrive de demander à Dieu : « Pourquoi tardes-tu ? » cela fait partie des questions dont la réponse ne nous sera sans doute donnée qu’au retour de notre Seigneur.
Mais il doit nous suffire de savoir que Dieu sait ce qu’il fait et pourquoi il permet ce qui nous paraît un retard incompréhensible.
Mais il nous faut aussi mesurer l’honneur extraordinaire qu’il nous fait en nous intégrant à son propre combat cosmique et en pus y utilisant. Et la prière est la mise en œuvre de l’armement dont nous avons à être équipés selon Éphésiens 6. Lorsque l’on combat, on ne se contente pas d’un seul coup d’épée, n’est-ce pas ! Voilà pourquoi nous sommes invités à ne pas cesser de prier. Quelle grâce merveilleuse de savoir que, finalement, c’est sous no pieds qu’Il écrasera Satan. C’est Paul qui l’écrivait à la fin de son épître aux Romains (16.19,20) :
Votre obéissance est connue de tous ; je me réjouis donc à votre sujet, et je désire que vous soyez sages en ce qui concerne le bien, et purs en ce qui concerne le mal. Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds.