Vieux billet neuf . PRIER OU RECITER ?
Me voici de nouveau agacé, sept ans après ! Relisant un billet de 2017, je me ressouviens de ce dimanche où je l’avais été à l’écoute de la lecture du récit de la dernière pâque de Jésus avec ses disciples, faites avant la distribution des symboles qui la rappellent. J’entendais : « … ayant dit la prière de bénédiction… » ! tirée de je ne savais quelle version de la Bible.
A ce souvenir, je viens de regarder les versions que je possède et n’a vu une telle phrase dans aucune… mais presque. Il est vrai que je n’en ai que treize !! Je n’ai pas les deux plus récentes ! Pour cause !
Le texte original a deux verbes : eulogèô et eucharisteô. Les anciennes versions qui s’efforçaient d’être aussi proches que possible de l’original les avait traduits ‘bénir’ et ‘rendre grâces’. La version ‘français courant’ avait préféré ‘remercier Dieu’, et Segond ‘rendre grâces’ pour les deux. C’était sans doute trop simple. Voilà que ‘eulogeô‘ est devenu « prononcer la bénédiction » dans la Tob, « prononcer la prière de reconnaissance » dans la version du Semeur, et même « dire la bénédiction » comme traduction littérale chez Francine Leclerc. A qui se fier ?
Pourquoi faut-il que nous essayions toujours de matérialiser les choses ? Peut-être devrais-je dire : les ritualiser, voire les ‘sacramentaliser’ (qu’on me pardonne ce néologisme) ? Car, qu’est-ce que ces nouvelles traductions ? Jésus n’a jamais prononcé de prière toute faite ni dit de formule ! Il n’a jamais invité ses disciples à le faire ! Mais surtout, le texte original de la Bible n’a pas de verbe qui puisse se traduire ainsi ! !
Vous m’objecterez peut-être que ‘bénir’ ou ‘dire la bénédiction’, c’est la même chose.
Vraiment ? Non, bien sûr, traduire : « ‘dire’ la bénédiction », c’est introduire un élément liturgique qui n’est pas dans le texte. Et si c’était vraiment correct, pourquoi Francine Leclerc et les traducteurs qui la suivent n’ont-ils pas traduit pareillement les autres usages du verbe original ? Tout simplement parce que l’on ne voit pas comment la foule qui, le jour des rameaux, précédaient Jésus en criant : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur aurait pu crier « Que soit dite la bénédiction sur celui qui vient au nom du Seigneur » pour ne citer que cet autre exemple de l’usage du même mot. Ils ne l’ont pas fait parce que ce n’en était pas le sens du verbe.
Mais alors ? Et bien, c’est notre tendance à ritualiser, à transformer en gestes ou « paroles toutes faites » les choses qui devraient être les plus spontanées : dire des prières, au lieu de prier ; être ‘fidèlement’ présent aux rencontres de la communauté, mais absent de cœur et d’esprit ; « payer la dîme, mais laisser ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité » (Mtt 23.23).
Nous oublions trop souvent que les adorateurs que Dieu veut, ce sont des adorateurs qui l’adorent de façon véritablement spirituelle (Jn 4.24, sens de la forme littéraire sémitique « en esprit et en vérité »).
Allons, laissons cette manie de transformer ce qui est intérieur en démarches extérieures. Laissons-nous façonner par Celui qui est esprit et vie, non rites et formules.