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QU’EST-CE QUI FUT DONNÉ À LA PENTECÔTE ?
Est-ce vraiment une prédication que j’ai envie d’écrire en ce jour de Pentecôte ? Mais toute prédication n’est-elle pas ― ou ne devrait-elle pas être ― une interrogation partagée ? Et c’est ce que je vous propose à propos de ce que l’on appelle, à tort bien sûr, la « première » pentecôte. Tranquillisez-vous, je n’aborderai pas toutes les questions. Mais rappelons, avant de nous interroger, que c’est une fête juive qui voulait commémorer surtout le don de la loi au Sinaï, et que celle que rapporte Luc était encore cette fête juive même si les Juifs qui s’y trouvaient étaient venus de tout l’empire (on disait la ‘diaspora’, la dispersion) et représentaient une douzaine de langues différentes.
Que se passa-t-il ?
En effet, que s’est-il passé, en fait, ce jour-là ? La réponse d’un Juif ne serait évidemment pas semblable à la nôtre. Mais sommes-nous certains d’avoir raison ? Nous disons fréquemment que la Pentecôte qui survint dix jours après l’ascension de Jésus fut la naissance de l’église. Mais, à supposer a priori que ce soit le cas, il faudra définir laquelle, car l’Ecriture sainte en mentionne plus d’une. Je ne citerai que celles pour lesquelles le grec utilise le mot ekklesia. Il est question de l’église au désert (Ac 7.38) ― Elle ne retiendra pas notre attention vu qu’elle précède la venue du Christ. Ensuite vient l’église que Jésus appelle la sienne : sur cette pierre (l’affirmation de la messianité et de la filiation divine de Jésus), je bâtirai mon église (Mtt 16.18). De celle-là, on trouvera une seule autre mention, mais au pluriel : les églises de Christ, en Rm 16.16. (Etonnement, je recevais avant-hier une publication des « Eglises du Christ » qui ont leur siège aux Etats-Unis). Par contre, on trouve assez fréquemment la mention de « l’église de Dieu » : une fois en Actes (20.28), quatre fois en 1 Corinthiens (1.2 ; 10.32 ; 11.22 ; 15.9), une fois en Galates (1.13) et deux fois en 1 Timothée (3.5 & 3.15). Et on la trouve trois fois au pluriel. On rencontre aussi une église dite des premiers-nés (en Hé 12.28) et, une autre apparaît en Ephésiens dont Paul seul semble bien avoir eu la révélation à Rome et qu’il nomme : l’Eglise qui est Son corps[1] (le corps du Christ 1.23), seule ekklesia, il me semble, dans laquelle les Juifs ont perdu toute priorité.
Si une église a pris naissance à la pentecôte, laquelle est-ce ? Ce ne peut-être l’église corps du Christ dont Paul ne mentionne l’existence que comme un mystère qu’il a eu, seul, le privilège de révéler ― au plus tôt vers 62.
Vu l’insistance de Pierre qui, lors de la dite ‘pentecôte’ ne s’adresse qu’à des Juifs : Hommes Juifs (Ac 2.14), Hommes Israélites (2.22), Hommes frères (2.29), que toute la maison d’Israël sache… (2.36), si une église a pris naissance alors, ce ne put être que l’église judéo-chrétienne dont le développement occupe tout le livre des Actes et que termine sa mise à l’écart temporaire’ en 28.28.
Mais la Pentecôte est-elle bien la naissance d’une église ?
L’examen de l’apparition du mot ekklesia dans le Nouveau Testament a surtout montré que toute rencontre locale d’hommes et femmes assemblés au nom de Jésus est appelé « une église ». On connaît les sept d’Asie auxquelles s’adresse Jésus dans les premiers chapitres de l’Apocalypse ; et beaucoup d’autres sont géographiquement désignées comme celles de la Galatie, celles, juives, de la dispersion, celles de Rome, etc.
Si le fait d’être réunis au nom de Jésus et de manifester une forme de piété commune suffit à mériter le nom ‘église’― cela semble le cas ―, alors il y avait une première église à Jérusalem, au moins après l’ascension quand les apôtres se regroupèrent dans la chambre haute, avec les femmes et les tout proches de Jésus, persévérant dans la prière (Ac 1.12.14). Peu après, selon Luc, ils se trouvaient d’ailleurs déjà cent vingt. Il y avait donc une église attendant à Jérusalem avant le jour de Pentecôte !
En fait, qu’attendaient-ils ?
Dix jours auparavant, Jésus, avant de leur être ôté, leur avait recommandé de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le père avait promis (Ac 1.4). Luc qui cite cette recommandation dès le premier chapitre du livre des Actes d’apôtres, l’avait déjà mentionné au dernier chapitre de son évangile : …voici j’enverrai sur vous la promesse de mon Père. Quant à vous, restez dans la ville jusqu’à ce que… (24.49).
Voilà donc ce qu’ils attendaient…la réalisation de la promesse du Père. Sauf que, en Actes 1, à première vue, on ne sait pas ce qu’était cette promesse. Regardons le texte d’un peu plus près, dans l’original. Luc dit : … il leur prescrivit de ne pas s’éloigner de Jérusalem, mais d’attendre la promesse du Père que vous avez entendue de moi. Il s’agit donc d’une chose que Jésus avait dite. Et là, il semble que l’on ait le choix. Dans la bible à parallèle, on fait reporter cela à Jean 14.16 : Je prierai le Père et il vous donnera un autre consolateur. Et ce consolateur, Jésus le définit comme étant l’Esprit de vérité ;mais il ajoute : vous, vous le connaissez, cat il demeure avec vous et il sera en vous, ce qui s’applique à lui-même, d’autant qu’il dit aussi : je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous (Jn 14.16-18).
On peut donc aisément penser que ce que les apôtres avaient à attendre était, comme le pense l’auteur des parallèles, le don de l’Esprit ; en fait, Jésus lui-même venant en eux, comme Esprit, après avoir été avec eux en son identité terrestre.
On peut penser aisément, ai-je dit… ― c’est l’interprétation courante ― mais sans doute trop aisément, car ce que Jésus (et non le Père) avait promis, devait être sur eux, alors que Jésus avait promis de venir en eux. Littéralement : Voici, moi, j’envoie sur vous (gr. eph’humas) la promesse de mon Père ; quant à vous restez dans la ville jusqu’à… (Lc 24.49)
Une autre chose me semble remettre en question cette interprétation courante. Jean en son évangile (20.23) dit que, le soir de sa résurrection, donc cinquante jours avant la Pentecôte, Jésus avait soufflé sur ses apôtres, disant : Recevez (le) Saint-Esprit. Si je n’avais pas peur de sembler ironiser à propos d’une chose sainte, je demanderais si une première tentative avait raté et s’il fallait faire un nouvel essai cinquante jours plus tard… Il est vrai que, dans ce texte, il n’y a pas d’artiche défini devant Saint-Esprit, mais il n’y en a pas non plus en Actes 1.5 !
Il nous faut voir si Luc, au chapitre 24, n’a pas ouvert une autre piste. La promesse divine (du Père) n’avait-elle pas été mentionnée par Jésus un peu auparavant, dans le même discours ? Le verset 42 rappelle que la repentance et le pardon des péchés allaient être prêchés au nom du Christ à toutes les nations à commencer par Jérusalem. Me voilà tenté de penser que c’est cela qui démarre, le jour de la pentecôte, et que ce qu’il fallait attendre, c’est le bon jour propice, le jour prévu. Dès lors, le verset 49 prend toute sa signification. Ce que les apôtres avaient à attendre, c’st l’équipement nécessaire à cette prédication. Luc, en effet, rapporte ces mots du Seigneur : …quant à vous, restez dans la ville jusqu’à ce que vous ayez été revêtus de la puissance d’en haut.
Non la personne, mais sa puissance !
Il me semble que tout était dit dans ces mots. Ce que le Père a promis est en relation avec la prédication de la repentance et du pardon des péchés … à commencer par Jérusalem, c’est la puissance qui en revêtirait les porteurs de force et d’efficacité. D’ailleurs, le même Luc, mais en Actes 1.8, ne dit pas autre chose : …vous recevrez une puissance venue du Saint-Esprit sur vous et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et (la) Samarie et jusqu’à l’extrémité de la terre. C’est la traduction littérale que propose Carrez dont je n’ai modifié que le participe présent pour respecter son caractère d’aoriste. Je devrais être surpris de ce que la traduction interlinéaire de Francine Leclerc a préféré l’interprétation courante, faisant du génitif tou agiou pneumatos (du Saint-Esprit) en un génitif bizarre dit « d’apposition » ― si mon souvenir est exact. C’est aussi ce à quoi recourent les théologiens pour expliquer le génitif dans l’expression ‘don de l’Esprit’ en 2.38 et 10.45. Mais, en dehors de la tradition, y a-t-il une raison à ce ‘tour de passe-passe’ ? Il aboutit à conclure que le Saint-Esprit aurait été donné trois fois au moins aux apôtres. Si, par contre, nous nous laissons convaincre par les mots du Christ invitait à attendre la puissance d’en haut, on comprend qu’elle soit donnée, non une fois pour toutes, mais chaque fois que les circonstances la rendent nécessaire.
Les mêmes mots dépeignent ce qui se passa lors de la pentecôte et ce qui arriva quelques temps plus tard, en Actes 4.31. Une nouvelle fois, ils furent remplis (du don) de l’Esprit Saint, et (en conséquence) ils annonçaient la parole de Dieu avec assurance.
Le don serait-il le parler en langues ?
Nous ne courons pas le risque de réduire la puissance de l’Esprit Saint à l’une quelconque de ses manifestations ! Bien sûr, les apôtres ont reçu, ce jour-là, la capacité de parler une douzaine de langues qu’aucun n’avait sans doute eu l’occasion d’apprendre. Cela manifeste bien les capacités que l’Esprit est capable d’accorder à ceux qu’Il remplit. Ils en avaient besoin, et Paul surtout, quelques temps plus tard ; mais ce don ne caractérise la plénitude spirituelle qu’aux rares occasions où sa survenance chez les païens doit en être prouvée (Actes 10.46 et 19.6).
C’est ce que nous pouvons dire de la xénolalie, manifestation liée à la Pentecôte. La question de la glossolalie[2] est ici hors sujet. Disons seulement que, par le si important chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens, nous savons que là où l’amour devait demeurer, il allait être mis fin à la prophétie et les langues allaient s’éteindre (verset 8)… de fait, il n’en est plus question dans les épîtres écrites après le temps des actes.
Nous avons compris, je pense, que ce que le Père avait promis aux apôtres n’est pas la personne du Saint-Esprit, mais la plénitude de Sa puissance pour annoncer la Parole avec assurance, ce qui, spécialement à la Pentecôte, avait inclus le don de xénolalie, mais surtout la sagesse et l’inspiration qui convainquirent des milliers de Juifs venus là de tout l’empire.
La leçon, pour nous,
…est évidente. Ne croyons pas pouvoir faire l’œuvre du Seigneur, prêcher Sa Parole, témoigner de sa grâce, sans nous être assurés d’être remplis de la puissance de l’Esprit. Réclamons-la humblement, parce que conscients de notre propre faiblesse, de nos besoins de compréhension de Sa Parole, de sa capacité de vivre de telle sorte que notre témoignage vécu donne crédit à notre témoignage oral.
Tout cela n’était-il pas inclus dans la prière de Paul aux Ephésiens quand il pliait les genoux devant le Père[3] pour qu’Il leur donne d’être puissamment fortifiés par son Esprit, dans l’homme intérieur, en sorte que Christ habite dans (leur) cœur ?
J’ai été surpris ― sans doute le suis-je encore ― de voir Paul prier pour que Dieu habite le cœur de croyants tels que les Ephésiens ! Car ils n’étaient pas des néophytes. Paul leur adressait, de toutes, la lettre dont la doctrine est la plus complète, la plus spirituellement ‘haute’. Dès lors, cette nouvelle question : Est-ce que Jésus n’habite pas dans le cœur de tout chrétien ?
Dans nos réflexions de ce jour, nous nous sommes reportés au fait que le Saint-Esprit donné par le Père est Jésus-Christ lui-même venant en nous ! Je crains de devoir admettre que ce n’est pas toujours vrai pour tout croyant. Le fait est aussi que l’Esprit ; Jésus en nous, peut être attristé (Ep 4.30), voire éteint (1 Th 5.19). Cela, nous devons l’entendre et désirer pour nous, de tout notre être, comme Paul le désirait pour les Ephésiens, que, puissamment fortifiés par l’Esprit, Notre Seigneur Jésus-Christ habite dans nos cœurs, afin que, découvrant l’envergure inimaginable de Son amour, nous soyons remplis de toute la plénitude Dieu.
Telle est aussi ma prière : que cette fête juive que nous avons prise en compte, ait pour vous et moi, sa pleine signification, afin que nous servions au salut d’un grand nombre. Jésus n’est-Il pas celui qui peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons ?
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[1] En 1 Corinthiens 12.27, les traductions disent « Vous êtes le corps de Christ ». Mais il n’y a pas d’article défini devant le mot ‘corps’. Il faut donc comprendre : Vous êtes un corps appartenant au Christ. Ce que veut montrer tout ce passage dont les membres divers contiennent l’œil et l’oreille (12.16, 17). Alors qu’en Ephésiens, le Christ est la tête.
[2] La xénolalie est la capacité surnaturelle de parler une langue étrangère. Tandis que la glossolalie est une manifestation psychique de produire des sons qui ne correspondent à aucune grammaire ni vocabulaire existants.
[3] Ephésiens 3.14–19